Spécial “ 5es Assises sonore ”
37
Acoustique
&
Techniques n° 51
Calcul prévisionnel du bruit en milieu urbain : limites des approches actuelles et perspectives
introduit en acoustique des salles. Pour des façades
entièrement «spéculaires», ce coefficient vaut 0 ; pour
des façades entièrement diffuses, il vaut 1. En général,
la réflexion acoustique par une façade est un mixte entre
ces deux types de réflexion [4,5].
Par ailleurs, en milieu urbain, la densité de bâtiments
est telle que ces réflexions diffuses vont elles-mêmes
donner naissance à de nouvelles réflexions diffuses,
et ainsi de suite (Figure 3). Ces multiples réflexions
diffuses alimentent un champ sonore «diffus» qui devient
prépondérant face au champ direct et aux premières
réflexions spéculaires, proche de la source, puis décroît
très vite loin de la source (Figure 4). S’il n’existe pas de
trajet direct entre la source et le récepteur (si la source
est dans une rue, et que le point récepteur est dans une
rue adjacente par exemple), le champ sonore au point
récepteur est presque exclusivement alimenté par ces
multiples réflexions diffuses. Dans ces mêmes conditions,
les méthodes classiques auraient donc tendance à sous-
estimer le niveau sonore, puisqu’il serait dans ce cas
alimenté uniquement par les diffractions sur les «coins
de la rue» et éventuellement les réflexions spéculaires si
elles existent. Par ailleurs, la Figure 4 montre également
que la décroissance temporelle dans la rue est largement
modifiée par les conditions de réflexion sur les façades :
la durée de réverbération est plus courte pour
des façades produisant des réflexions diffuses
(d=1,00) que pour des façades produisant des
réflexions spéculaires (d=0,00).
Enfin, des études récentes [4] ont montré que la
propagation acoustique dans une rue est fonction
de la forme des réflexions diffuses, elles-mêmes
fonction de la morphologie des façades. A titre
d’exemple, la Figure 5 montre l’effet de lois de
réflexion diffuse différentes, sur l’atténuation
sonore et la réverbération dans une rue. Comparée
à des réflexions spéculaires, cette figure montre
que la différence de niveau sonore à l’extrémité
de la rue peut atteindre jusqu’à 5dB suivant les
lois de réflexions diffuses, et que la durée de
réverbération peut diminuer d’un facteur 6. Ces
calculs, réalisés par une approche particulaire
9
avec des lois de réflexion diffuse arbitraires
ont également été validés par des calculs par
éléments de frontières
10
sur des coupes de rues,
en prenant en compte des façades réelles
11
.
Ceci montre bien l’importance de considérer les
réflexions diffuses dans les outils de prévision
acoustique pour le milieu urbain, soit en prenant
en compte des lois de réflexions diffuses (dans
les approches énergétiques géométriques et
en complément des réflexions spéculaires)
[21,22], soit en prenant compte la morphologie
architecturale réelle des façades (dans des
approches ondulatoires de types éléments de
frontière par exemple). Des études ont ainsi été
réalisées pour essayer de mesurer les lois de
réflexion réelles des façades [4], mais l’analyse
des données expérimentales s’est avérée difficile.
Cette approche expérimentale a laissé place à
des approches numériques pour modéliser les
lois de réflexion de façades urbaines réelles à
partir de leur modèle numérique [21,22], mais au
détriment de temps de calcul très long.
Fig. 5 : Atténuation sonore (a) et décroissance globale (b), pour différentes
lois de réflexion sur les façades. La loi de Lambert est une loi de
réflexion en cos
θ
,
θ
désignant l’angle d’incidence. La loi uniforme
traduit une réflexion équiprobable dans toutes les directions.
Les lois en wn (n, entier positif) traduit des réflexions orientées
autour de la normale à la façade. Les lois semi-diffuses sont des
lois de réflexion centrées autour de la réflexion spéculaire [4]
Sound attenuation (a) and sound decay (b) for several diffuse reflection
laws: Lambert’s law, uniform reflection, wn laws (the direction of
reflection is around the normal to the façade), and semi-diffuse
reflections (the reflection is around the specular direction) [4]
9- Les calculs ont été réalisés avec le logiciel SPPS développé
par le LCPC [23]. Ce code est basé sur une approche
particulaire (particules sonores), qui est une extension de la
méthode des rayons, et qui permet de modéliser la plupart des
phénomènes propagatifs (absorption, atténuation, réflexion,
diffusion) par une méthode de Monte-Carlo (tirage aléatoire).
10- Les calculs par éléments de frontière ont été réalisés
avec le logiciel MICADO développé par le CSTB [24].
11- Des relevés photogrammétriques réalisés par l’Ecole
d’architecture de Bordeaux ont permis de réaliser des modèles
numériques de façades réelles. Ces modèles ont pu ensuite être
intégrés directement dans le code de calcul par éléments de
frontière MICADO [24].