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La parole est à …
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Acoustique
&
Techniques n° 49
La parole est à…
individuellement. Il s’agit donc de mettre en œuvre des
solutions au niveau des équipements et de l’environnement du
travailleur plutôt que de le protéger en le confinant lui-même.
La conception d’équipements « silencieux » est encouragée,
en particulier par des dispositions réglementaires spécifiques
aux machines. Les efforts des fabricants, s’ils sont réels, sont
cependant bien inférieurs à ce que l’on peut trouver dans le
développement de biens de consommation. En effet, pour ce
dernier secteur, la contrainte de confort du consommateur
est forte et incite à diminuer le bruit des appareils produits.
En revanche, pour ce qui concerne l’industriel qui achète des
équipements, le paramètre « bruit » reste encore secondaire
par rapport aux performances de production.
Au niveau des actions « collectives », la pratique industrielle
privilégie les actions sur la diminution de la réverbération
acoustique des locaux et l’encoffrement des machines.
Il faut cependant développer les actions dites "en amont"
et "à la source". Les premières sont relatives à la prise
en compte du problème de bruit avant que toute action
corrective soit mise en œuvre : il s’agit par exemple de
réfléchir à l’organisation des tâches, à l’aménagement du
local, aux choix de procédés de fabrication moins bruyants.
L’incitation à l’achat d’équipements de travail "silencieux" est
une illustration de cette famille d’actions et est à encourager.
Agir à la source revient à modifier l’équipement pour qu’il
génère moins de bruit, en agissant sur ses mécanismes ou
sa structure. Cette possibilité effraie souvent les industriels,
pour lesquels l’outil de production est "sacré", c'est pourquoi
il faut les sensibiliser à la performance d’actions simples et
efficaces : diminuer des hauteurs de chute d’objet, utiliser
des parois grillagées ou des matériaux "sandwich", optimiser
les durées d’opérations bruyantes…
A & T : Pourtant, la mise à disposition des PICB
(protecteurs individuels contre le bruit) est une
solution semble-t-il généralisée ?
PC :
Oui, et d’autant plus qu’elle répond à une exigence
réglementaire. Cette solution est malheureusement inévitable
dans de nombreux cas, et il faut aller au-delà de la « mise à
disposition » et s’assurer d’un port continu des protecteurs. Le
port du PICB reste cependant à considérer comme un dernier
recours, en complément d’actions collectives. En effet, le
non-port pendant une durée très courte, voire le "mauvais"
port de ces protections, diminue considérablement leur
efficacité en termes d’exposition. C’est pour cela d’ailleurs
que, au-delà de leur atténuation, le confort du PICB et son
acceptation par le travailleur sont des critères essentiels
de choix. Il faut également prendre en compte l’intelligibilité
résiduelle avec protecteur : la perception d’informations et
de signaux de danger est indispensable. L’atténuation "réelle"
des PICB, c’est-à-dire son efficacité sur le lieu de travail est
d’ailleurs un sujet de discussions et de recherche important :
on sait qu’elle est très inférieure à l’atténuation "déclarée"
par les fabricants, pourtant mesurée en laboratoire par des
organismes notifiés.
A & T : Y a-t-il des innovations importantes dans le
domaine de la réduction du bruit au travail ?
PC :
Les enjeux financiers sont moins importants dans
ce domaine que dans celui du confort lié à l’utilisation
domestique d’équipements : les innovations y sont donc
moins présentes. On voit apparaître des matériaux nouveaux
qui ont des caractéristiques acoustiques compatibles avec
des contraintes industrielles : isolation de tuyauteries et
contraintes thermiques, absorption de parois et contraintes
d’hygiène… L’utilisation du contrôle actif reste encore assez
marginale. L’innovation est peut-être plus à chercher au niveau
d’approches méthodologiques nouvelles, par exemple par
la prise en compte de situations encore peu classiques en
prévention comme le travail de bureau.
A & T : Existe-t-il une approche méthodologique
privilégiée pour traiter un problème de bruit au
travail ?
PC :
La complexité du problème et l’absence dans les
entreprises de spécialistes en acoustique, font que la
situation est souvent traitée de manière peu rigoureuse.
C’est regrettable, car on rencontre encore trop souvent des
solutions peu adaptées, inefficaces ou disproportionnées,
qui portent préjudice à la diffusion de "bonnes pratiques".
Ce résultat négatif est souvent dû à un défaut de prise en
compte globale de la situation. L’entreprise fait appel à des
spécialistes extérieurs et se "décharge" du problème. Le
prestataire pour sa part, a du mal à intégrer les contraintes
spécifiques à l’entreprise. La caricature du mauvais résultat
est l’encoffrement qui est ouvert en permanence, pour
permettre l’accès à l’équipement ! Les clés pour une bonne
approche du problème sont sans doute les suivantes :
effectuer une démarche progressive (d’abord des solutions
simples, puis des analyses complexes), impliquer l’entreprise
et les travailleurs et prendre en compte leurs contraintes.
Cette approche doit s’accompagner d’une analyse technique
rigoureuse, qui va permettre de dimensionner la solution par
rapport aux objectifs de gain acoustique. Dans ce cadre,
l’emploi d’outils de simulation joue un rôle très utile. Certains
documents dédiés au bruit au travail, ainsi que des documents
normatifs très complets, permettent d’aider l’industriel à suivre
cette approche.
A & T : Mais les industriels ont-ils connaissance de
l’existence de tels documents ?
PC :
La diffusion de savoirs techniques et d’expériences
industrielles est un axe essentiel de la prévention dans le
domaine du bruit au travail. Il faut, bien sûr, donner aux
industriels les supports techniques pour traiter leur problème,
mais il s’agit aussi de les aider à sensibiliser leur personnel. En
effet, le risque auditif est encore largement sous-estimé chez
les gens concernés. L’INRS propose pour cela, des produits
d’information
1
de toutes natures : affiches, brochures, films,
mais aussi CD-rom, outils Web … La création et la diffusion
de ces outils sont à développer, en adaptant les messages
au public visé et en mettant à jour leur contenu le plus
régulièrement possible.
n
1 La liste de ces produits, voire leur consultation, sont disponibles sur
le site www.inrs.fr