Spécial “ Acoustique sous-marine ”
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Acoustique
&
Techniques n° 48
Risques acoustiques et sismiques pour les mammifères marins
public est très forte : le caractère spectaculaire et choquant de
ces accidents permet aux organisations environnementalistes
d’alerter très efficacement l’opinion publique sur ce sujet,
ce qui amène les acteurs du domaine (marines militaires,
compagnies de survey offshore…) à mettre en place des
mesures spécifiques de protection.
Plusieurs niveaux d’agression sonore
peuvent affecter les
mammifères marins. Seuls des niveaux sonores très faibles,
juste émergeant du bruit de fond habituel et ne provoquant
aucun effet de masquage sur les activités acoustiques des
animaux, peuvent être considérés comme sans influence
notable. Des niveaux acoustiques excédant nettement le
bruit ambiant peuvent être perçus par les mammifères marins
comme gênants voire pénalisants pour leurs signaux de
communications et d’écholocation ; le comportement social
et l’alimentation des animaux peuvent s’en trouver perturbés,
ce qui peut les amener à quitter une zone trop bruyante. Mais a
contrario, on sait aussi que des émissions sonores artificielles,
même assez intenses, peuvent avoir un effet attractif sur
certains mammifères marins. A des niveaux sonores plus
élevés, correspondant à la proximité de sources puissantes,
peuvent apparaître des effets traumatiques, sous forme de
troubles de l’audition, traduites par des élévations temporaires
(donc réversibles) ou permanentes du seuil d’audition (TTS
ou PTS pour Temporary/Permanent Threshold Shift). A des
niveaux acoustiques extrêmes peuvent se produire des lésions
physiques du système auditif, voire des traumas internes ;
l’autopsie de cétacés échoués suite à des agressions
sonores a révélé des embolies gazeuses et graisseuses
semblables à celles provoquées par des accidents de
décompression. L’interprétation de ces effets n’est pas claire :
on évoque soit l’effet d’une onde de pression de très forte
amplitude provoquant un phénomène de cavitation, soit des
conséquences d’une remontée panique des cétacés vers la
surface effectuée sans respecter les précautions qu’ils suivent
d’ordinaire instinctivement — cette seconde explication
semble aujourd’hui la plus plausible.
L’audiométrie des mammifères marins
est encore très
mal connue. Physiologiquement (Ketten, 1998), leur système
auditif est similaire à celui des mammifères terrestres
(conduit auditif, tympan et chaîne d’osselets, cochlée) bien
que son implantation dans le crâne soit toute différente.
Mais les performances en sont très difficiles à évaluer. Des
expérimentations sur des petits odontocètes (dauphins,
bélugas, voire orques) peuvent être menées en bassin, basées
sur le conditionnement des animaux à répondre aux stimuli
sonores ; encore permettent-elles d’accéder uniquement aux
seuils d’audition, alors qu’il serait nécessaire de pouvoir évaluer
les niveaux de danger, inaccessibles expérimentalement pour
des raisons éthiques. Quelques résultats exploitables sont tout
de même disponibles dans la littérature. Par contre pour les
grands cétacés (cachalots et diverses espèces de baleines
à fanons) aucune mesure audiométrique objective n’est
possible : on doit se baser sur des approches analogiques,
interprétant les caractéristiques mécaniques de leur appareil
auditif (par comparaison avec celui des mammifères terrestres)
et l’analyse des signaux qu’ils produisent eux-mêmes (l’idée
étant que l’appareil auditif d’une espèce a des performances
adaptées à ses propres signaux).
On conçoit que dans ces conditions la
définition objective
de seuils de danger
ou de gêne, servant eux-mêmes de
base à l’établissement de réglementation d’utilisation des
systèmes acoustiques, soit pratiquement impossible…
Dans un premier temps la NOAA (National Atmospheric
and Oceanic Administration) a proposé et appliqué un
premier critère, qui a été largement repris depuis : deux
niveaux de seuils de gêne et de danger sont fixés à 160 et