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Spécial “ bruits de chantier ”
Acoustique
&
Techniques n° 46-47
- ordonner des mesures urgentes ;
- prescrire des mesures conservatoires en cas de péril
imminent ;
- faire cesser un trouble manifestement excessif ;
- accorder des provisions ;
- prononcer une astreinte ou au contraire la suspendre.
Pour autant les mesures accordées au cours d’un référé
restent en quelque sorte provisoires, puisque le juge des
référés ne se prononce jamais sur le fond d’un litige. Autrement
dit l’ordonnance de référé n’a pas l’autorité de la chose jugée;
pour cela les parties doivent saisir le tribunal du fond.
Le référé constitue en quelque sorte l’antichambre du procès,
c’est une procédure avant jugement.
Le référé dit « préventif » a ceci de très original que la partie qui
introduit l’instance n’a pas de différend avec la partie assignée,
alors qu’habituellement bien sûr on assigne quelqu’un quand
on quelque chose à lui reprocher. En outre la partie assignée
peut elle-même trouver un grand intérêt dans l’action.
Le fondement de la demande repose alors sur l’application
de deux articles du nouveau Code de procédure pénale
(NPCP) :
- Art. 145:
« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant
tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la
solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement
admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout
intéressé, sur requête ou en référé. »
- Art. 809:
« Le président peut toujours prescrire en référé les mesures
conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit
pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser
un trouble manifestement illicite. »
Ce type particulier de procédure, initié à l’origine par les
maîtres d’ouvrage soucieux de vérifier avant travaux l’état
des avoisinants (afin d’éviter d’avoir à réparer des désordres
préexistants), voit depuis quelques années en ce qui concerne
le bruit de chantier un double développement :
- d’une part, l’examen de l’impact sonore prévisible avant le
démarrage des travaux,
- puis à la suite, la gestion de cet impact en cours des
travaux.
Ces missions se trouvent confiées à l’expert désigné par
ordonnance par le juge des référés.
On rappelle que la procédure de référé administratif est sur
ce point très proche de la procédure civile.
La mesure d’instruction judiciaire exécutée par
un technicien
La désignation de l’expert repose sur
l’article 232
du
NCPC:
« Le juge peut commettre toute personne de son choix pour
l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par
une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières
d’un technicien.»
Par suite
l’article 233
précise :
« Le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison
de sa qualification, doit remplir personnellement la mission
qui lui est confiée.»
Il doit donc être insisté sur le fait que l’expert se trouve désigné
pour « éclairer » le juge, c’est-à-dire pour lui donner un avis.
Dans le principe émettre un avis ou avoir une opinion ce n’est
pas donner un conseil, ni exécuter une étude ou fournir une
prestation de laboratoire, ce n’est pas préconiser, ni évaluer
et en tout état de cause le récipiendaire de l’avis c’est le juge
et non une partie.
De même il est interdit à l’expert de concilier les parties
puisqu’il peut tout au plus constater leur rapprochement
(art.
281
du NCPC).
Dans la pratique il en va tout autrement, à la demande des
parties et avec le regard bienveillant du juge, si ce n’est
davantage.
C’est ainsi que les missions confiées relèvent parfois et contre
toute attente de véritables prestations d’ingénierie ou de
métrologie… avec en filigrane une mission de conciliateur.
Les missions confiées en matière de bruit
de chantier
Reprenant assez fréquemment à la lettre la mission sollicitée
par le demandeur, le juge des référés n’hésite pas en matière
de bruit de chantier à confier à l’expert des prestations aussi
diverses que les suivantes :
- constater les bruits et identifier les sources
- donner un avis sur les dispositions constructives de
l’ouvrage
- qualifier le matériel de chantier
- analyser les modes opératoires du chantier
- donner un avis sur la gêne sonore
- préciser quelles sont les tolérances admises
- donner un avis permettant d’apprécier l’anormalité du
trouble
- déterminer les solutions propres à la réduction des
nuisances
- évaluer les préjudices
- attribuer les responsabilités
Chacun des points cités ne manque pas d’engendrer
de multiples questions et en particulier pour les points
suivants :
Constater les bruits et identifier les sources
Le constat du bruit de chantier présente plusieurs difficultés :
la disponibilité de l’expert au moment de l’apparition du bruit,
l’assurance de ce que le bruit provient bien du chantier et la
règle impérieuse du contradictoire des opérations.
Si la jurisprudence ne manque pas de confirmer la validité
d’opérations unilatérales dès lors que les Parties peuvent
débattre ultérieurement des résultats et faire valoir leurs droits,
il reste que l’assurance de la provenance du bruit est délicate
La place du bruit dans le référé préventif