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Spécial “ bruits de chantier ”
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Acoustique
&
Techniques n° 46-47
Le droit de propriété et la théorie
du trouble anormal
Un chantier de construction est le lieu ordinaire de collision
de deux droits : le droit de construire pour un propriétaire et
le droit à la tranquillité pour son voisin.
Soit d’une part
l’article 544
du Code Civil qui énonce que :
« La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses
de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un
usage prohibé par les lois ou par les règlements.»
et d’autre part, la jurisprudence civile qui établit que le
droit de propriété est limité par l’obligation qu’il y a de ne
causer à la propriété d’autrui aucun dommage dépassant les
« inconvénients normaux du voisinage ».
On remarque que cette notion de trouble anormal appartient
également à la jurisprudence administrative.
Juridiquement, la première approche a été de traiter le bruit
de chantier par l’application des principes traditionnels de
responsabilité quasi-délictuelle de
l’article 1382
du Code civil
(principes qui imposent de prouver la faute, le préjudice et le lien
de causalité entre les deux), complétée par la présomption de
responsabilité pesant tant sur l’auteur, suivant
l’article 1383
,
que sur le gardien, en application de
l’article 1384
.
- Art. 1382 :
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un
dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé,
à le réparer. »
- Art. 1383 :
« Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non
seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou
par son imprudence. »
- Art. 1384 :
« On est responsable non seulement du dommage que
l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui
est causé par le fait des personnes dont on doit répondre,
ou des choses que l’on a sous sa garde. »
Par la suite, la Cour de Cassation a substitué à ces textes
« le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble
anormal de voisinage ».
La prohibition découle donc dorénavant d’un principe
strictement prétorien, qui constitue une source autonome de
responsabilité et ne doit pas être confondu avec l’application
des articles précédents.
La protection des troubles anormaux de voisinage apparaît
donc originale par rapport à la responsabilité civile de droit
commun, que celle-ci procède d’un abus du droit de propriété,
d’une faute, volontaire ou non, ou bien du fait des choses.
Il est donc important d’insister sur ces deux aspects
fondamentaux :
- d’une part, le juge du fond dispose d’un pouvoir souverain
pour apprécier si les troubles sont normaux ou anormaux,
- d’autre part, la responsabilité du « bruiteur » peut être retenue
même si ce dernier n’a pas commis de faute, c’est-à-dire sans
prendre en considération s’il a pris ou non des précautions, s’il
a manifesté ou non des intentions de nuire ou s’il a respecté
ou non des dispositions réglementaires ;
On voit ici se dessiner le rôle majeur de l’expert dans le cadre
de la mesure d’instruction judiciaire dont il a la charge.
La procédure de référé et le référé préventif
L’accès au droit se définit par le droit de faire entendre sa
cause et de voir son affaire examinée par un juge.
Le référé est une procédure d’urgence qui permet dans des
délais très courts d’obtenir une décision de justice ayant
« force exécutoire », c’est-à-dire assortie des moyens de la
faire appliquer.
Le juge des référés peut selon le cas :
La place du bruit dans le référé préventif
Thierry Mignot
Président du Collège National des Experts
Judiciaires en Acoustique (CNEJAC)
44, rue Henri de Régnier
78000 Versailles
Tél. : 01 39 51 62 72