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Approfondissons…
43
Acoustique
&
Techniques n° 44
Les cases vides montrent qu’aucun énoncé ne présentent
simultanément les descriptions indiquées en ligne et en
colonne. Les signes + indiquent un jugement hédonique
de plaisir, les signes - un jugement de déplaisir.
Bruit de fond
perçu comme
Réponses
par
la source
Le sujet est
dans
le bruit de fond
Le sujet est
hors
du bruit de
fond
Bruits humains +
+
Continu
+ ou -
+
Discontinu
-
-
-
Tableau 1
Les sujets qui se considèrent
dans
le bruit de fond sont
les seuls à considérer les bruits humains (conversations,
chuchotement général), au point parfois même d’ignorer
les bruits de circulation. Le fait d’être environné par le
bruit n’est pas vécu comme une agression s’il s’agit de
bruit de présence humaine (toujours perçu positivement)
ou de bruit continu (jugement positif ou négatif suivant
les sujets).
Les sujets qui se considèrent
hors
du bruit de fond se
placent quant à eux dans l’objectivité de l’observation et
le facteur humain disparaît.
Le paramètre temporel de
discontinuité
apparaît
comme un facteur de désagrément aussi bien pour les
sujets qui se sentent environnés par le bruit de fond que
pour ceux qui se sentent à l’extérieur, il est associé à
des phénomènes sonores vécus comme agression, en
particulier par l’intermédiaire d’une source identifiée.
En effet, pour les sujets qui répondent par la source, la
sensation physique est à ce point présente qu’elle efface
toute autre considération.
Bruit de transports
Nous présentons maintenant les résultats de l’analyse
thématique des réponses à la question :
Q-8. En ville... êtes-vous sensible aux bruits des moyens
de transports ? Lesquels ? Précisez pour chacun leurs
caractéristiques.
Nous avons regroupé les descriptions par moyen de
transport, afin de dégager des portraits sémantiques de
chacun dans le tableau 2.
Dans ligne FRÉQUENCES, on indique par BF une majorité
de marques linguistiques repérées dans les questions
précédentes pour décrire les basses fréquences :
occurrences de grave, sourd, vibrations et basses
fréquences et de dénominations en
-ment
construites sur
des verbes de bruits indiquant un procès dans la durée (e.g.
vrombissement, bourdonnement). À l’opposé, on indique
par HF une majorité de description de hautes fréquences :
occurrences d’aigus, stridents et de dénominations en
-
ment
construites sur des verbes de bruits indiquant des
bruits brefs (e.g. crissement).
De même dans la ligne TEMPORALITÉ, ”continu” indique
une majorité de descriptions des bruits de transports
comme continu, régulier, permanent, et ”discontinu” une
majorité de descriptions de ces bruits comme discontinu
ou irrégulier. De même pour NIVEAU ”faible” et ”élevé”,
et APPRÉCIATION où les signes + indiquent une majorité
de jugements positifs et les signes - une majorité de
jugements négatifs.
Moyen de transports Bus
Cars
Motos
2-roues
Métro
RER
Voitures Tram
Train
Camions
Poids-
lourds
OCCURRENCES
29 29
25
23
18 10
FRÉQUENCES
BF
HF
BF/HF BF
BF/HF BF
TEMPORALITÉ
continu discontinu cont. et
dis.
continu continu
NIVEAU
élevé élevé
faible élevé
APPRÉCIATION
- et + -
-
-
+ -
Tableau 2
Les avions et les sonnettes de vélos ont également été
cités mais avec peu d’occurrences (4 chacun), et les
enquêtés n’ont pas détaillé leurs caractéristiques.
En termes de fréquences, les véhicules considérés comme
sources de basses fréquences sont les bus/cars (16 occ.
dans cette catégorie), le métro (14 occ.), les voitures (13
occ.) et les camions (10 occ.). Les motos et 2-roues sont
plutôt considérés comme sources de hautes fréquences
(14 occ. contre 2 en BF). Enfin, le tram, le train et le métro
présentent simultanément aux oreilles des sujets des
caractéristiques hautes et basses fréquences : les hautes
fréquences sont généralement attribuées au frottement
sur les rails lors de freinages et les basses fréquences au
bruit de moteurs.
Ecoute descriptive et écoute holistique
Les différentes interprétations du bruit de fond
peuvent être mis en relation avec les deux types
d’écoute mis en évidence par [12] lors d’enquêtes
ouvertes menées à Nantes sur la perception des
ambiances sonores urbaines. L’analyse des réponses
ouvertes a en effet permis de distinguer l’écoute
descriptive
qui donne lieu à des descriptions de
sources identifiées et l’écoute
holistique
qui donne
lieu à des descriptions de l’ambiance comme un tout,
de manière globale. Dans le cadre de l’environnement
sonore urbain, Raimbault a montré la corrélation entre
ces deux types d’écoute et les réponses à l’échelle
temporelle monotone/variée à distribution bi-modale
(réponses concentrées aux bornes de l’échelle), et
en moindre mesure aux échelles lointain/proche et
brouhaha/distinct (pour lesquelles l’existence de
réponses intermédiaires rend la corrélation plus
délicate) : monotone, lointain et brouhaha étant
associée à l’écoute
holistique
, et variée, proche et
distinct à l’écoute
descriptive
. Il semble donc que
les enquêtés ayant répondu à notre questionnaire
en se plaçant
dans
le bruit de fond, qu’ils décrivent
comme
discontinu
en référence aux sources,
écoutent dans une attitude descriptive, alors que les
sujets qui se sentent
à l’extérieur
du bruit de fond,
qu’ils perçoivent comme
continu
écoute dans une
attitude
holistique
.
Basses fréquences en milieu urbain : qu’en disent les citadins ?