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Approfondissons…
Acoustique
&
Techniques n° 44
Analyse linguistique approfondie
L’analyse linguistique consiste à étudier l’emploi des
formulations en langues employées dans les verbalisations
selon les analyses suivantes (cf. [6] pour une description
plus détaillée de la méthode et des résultats) :
- une analyse de la forme des dénominations (mots
simples, formes construites),
- une analyse morphologique des constructions déverbales
(construites sur un verbe),
- l’examen des différents axes de classifications, c’est-à-dire
des propriétés visées pour construire les dénominations
(e.g. source, intensité, valeur hédonique),
- une analyse de l’utilisation des pronoms personnels.
Résultats
Ambiance sonore urbaine
La comparaison de nos résultats expérimentaux avec les
classifications d’éléments constitutifs de paysage sonore
proposées par [10], [11] et Léobon montre des points
communs. Dans notre approche expérimentale comme
dans leurs approches plus spéculatives, on observe la
pertinence du découpage selon le degré de présence
humaine qui apparaît comme un critère déterminant
d’appréciation qualitative des ambiances sonores. Par
ailleurs, nous avons mis en évidence l’importance d’objets
sonores indiquant la présence d’éléments naturels tant
appréciés par les enquêtés. Il semble donc que nos
résultats recoupent la classification proposée par [Delage
1979], qui distingue les éléments sonores :
- étrangers à l’humain (bruits de la nature),
- reflétant indirectement la présence humaine comme les
bruits de véhicules ou la musique,
- reflétant directement la présence humaine par des bruits
de pas ou des voix.
Les bruits indiquant directement la présence humaine et
bruits de la nature rejoignent directement nos catégories
Autres Gens et Nature qui apparaissent dans nos enquêtes
comme les catégories de sources les plus appréciées.
A l’opposé, les bruits reflétant indirectement la présence
humaine comme les bruits de véhicules et de circulation
constituent les catégories de sources non appréciées.
Eléments sonores graves
Les résultats concernant les éléments sonore graves
résultent de l’analyse des réponses à la question :
Q-6. Dans l’environnement sonore, y a-t-il des éléments
sonores qui vous paraissent plutôt graves ? Lesquels ? Y
êtes-vous sensible et comment les jugez-vous ?
Au terme de l’analyse linguistique, nous avons constaté,
en restant au plus près des réponses des enquêtés :
- que les éléments sonores graves sont majoritairement perçus
par l’intermédiaire de sources sonores identifiées : on observe un
glissement métonymique entre le bruit et sa source émettrice,
- que ces éléments sonores graves sont associés à
des processus qui se déroulent dans le temps en se
prolongeant ou en se répétant, et que les paramètres de
gravité et de durée du son ne sont pas distingués,
- que les éléments sonores graves semblent perçus autant,
si ce n’est plus, par le corps que par les oreilles,
- qu’ils sont associés à des sonorités confuses et
indistinctes,
- qu’ils sont assimilés à des bruits pénibles, qui relèvent
de la nuisance sonore. Il est frappant que les enquêtés
aient tous répondu dans ce sens, alors que la question ne
porte pas sur la manière dont sont ressentis les éléments
sonores graves. Il semble donc que l’association grave /
pénible soit largement partagée.
Enfin, nous retiendrons que les éléments sonores
graves sont mieux acceptés que les éléments sonores
aigus, même si les effets perçus par les sujets sont
majoritairement associés à un jugement de valeur négatif
dans les deux cas.
Bruit de fond
Nous allons maintenant détailler l’analyse des réponses à
la question :
Q-7. A. En ville... percevez-vous un bruit de fond ? Si oui,
dans quelles circonstances ?
B. Décrivez les principales caractéristiques de ce bruit
de fond ?
L’interrogation partielle introduite par dans quelles
circonstances permet de rester non directif dans le
questionnement sans induire de réponse en terme de
circonstances de temps, de cause ou de manière.
En croisant les résultats sur les expressions de la
spatialisation, celles de la temporalité et les jugements
hédoniques, on obtient le tableau I. Dans ce tableau, on va
de gauche à droite d’une distance minimum par rapport à
la perception du bruit de fond à une distance maximum.
Bruit de fond
Le Dictionnaire Historique de la langue française date la
locution bruit de fond de 1885, ce qui la rend contemporaine
de l’invention des premiers appareils capables d’enregistrer
et de reproduire la voix (Charles Cros, 1877), ainsi que des
débuts du téléphone (1876, A. G. Bell). Au sens premier,
« bruit de fond » est un terme de radio (Trésor de la Langue
Française, entrée « bruit ») : Spéc., RADIO. Bruit de fond.
Ensemble de sons parasites se superposant à une émission
et en gênant la bonne audition. Synonyme : bruit parasite.
P. ext. Bruit faible et continu. La synapsie bruit de fond est
construite avec le déverbal bruit, dérivé fort ancien (XIIe
siècle) du verbe bruire lié par la préposition de au mot fond.
Elle correspond à l’énoncé : Le fond bruit.
Le mot « fond », quant à lui, a trois axes de signification
distincts : d’abord une idée de ”contenant”, ensuite une
idée de ”ce qui est à distance” du point de vue de l’objet
dont on parle ou de celui de l’énonciateur, et enfin une idée
de ”base” : ”ce sur quoi quelque chose se détache”. Les
lexicographes font dépendre la synapsie bruit de fond de
ce dernier sens.
Basses fréquences en milieu urbain : qu’en disent les citadins ?