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Approfondissons…
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Acoustique
&
Techniques n° 44
librement sur leur perception de l’environnement sonore
urbain. Nous pouvons ainsi voir si les individus parlent
spontanément de phénomènes sonores ou vibratoires
basses fréquences et comment ces phénomènes sont
perçus. Ensuite, des questions plus orientées sur ces
phénomènes permettent de recueillir des formulations en
langue concernant les basses fréquences.
Analyse psycholinguistique
L’analyse s’effectue en trois étapes :
- Saisie informatique de l’intégralité des réponses
manuscrites aux questionnaires,
- Analyse thématique relevant de l’analyse du discours,
visant à extraire des thèmes structurant les représentations
cognitives,
- Analyse linguistique approfondie, visant à repérer les
régularités linguistiques au sein des descriptions d’un
thème identifié dans l’analyse thématique.
Analyse thématique
Dans les présentations des résultats, nous rapporterons
le nombre d’occurrences dans une catégorie au nombre
total d’occurrences recueillies pour une question donnée
quand nous présenterons les résultats d’un questionnaire
particulier : nous parlerons alors de pourcentage des
occurrences. Cependant, afin de pouvoir comparer les
résultats de questionnaires recueillis dans différentes
situations d’écoute sur des nombres différents de sujets,
nous rapporterons le nombre d’occurrences non pas au
nombre total d’occurrences, mais au nombre de sujets
ayant répondu au questionnaire lors de comparaison
de situations expérimentales. Nous parlerons alors de
pourcentage des réponses.
Il est nécessaire de préciser que la réponse d’un sujet
peut donner lieu à plusieurs occurrences dans différentes
catégories ou même à l’intérieur d’une même catégorie
(e.g. la réponse ”passages de voitures, bruit de pas
et conversation” donne lieu à une occurrence dans la
catégorie Voitures et 2 occurrences dans la catégorie
Autres Gens).
Ceci explique que la somme des pourcentages puisse être
supérieure à 100 si le nombre d’occurrences dépasse le
nombre de sujets.
Nous nous intéressons dans un premier
temps à lapremièrepartiede laquestion
(notée A), qui se divise elle-même en
deux interrogations directes :
A-Dans l’environnement sonore
urbain, y a-t-il des éléments sonores
qui vous paraissent plutôt graves ?
Lesquels ?
La première est une interrogation
totale, qui nécessite une réponse par
oui oupar non, ces adverbes équivalant
à la reprise affirmative ou négative
de la question posée. La seconde,
constituée du pronom interrogatif
lesquel s, ici anaphor ique, qui
représente ce qui vient d’être nommé,
à savoir les éléments sonores qui
vous paraissent plutôt graves est une
interrogation partielle qui porte sur le
syntagme éléments sonores. L’emploi
de la subordonnée relative permet
d’introduire le verbe « paraître »
dans un emploi modal, c’est-à-dire qui
appréhende le procès d’un point de
vue subjectif -, lui-même renforcé par
le modalisateur adverbial « plutôt »:
Ces deux éléments insistent sur le fait
qu’on ne demande pas à l’enquêté
de se prononcer sur l’existence
ou la non-existence d’éléments
sonores graves dans l’environnement
urbain, on ne lui demande pas
une description dimensionnel le
de la réalité qui l’entoure ; bien au
contraire, on en appelle précisément
à ce qu’il y a de plus subjectif chez
lui, en lui demandant une description
qualitative, catégorielle. Nous avons
analysé les réponses des 70 sujets
ayant répondu à cette question dans
le questionnaire.
On constate que près de la moitié
des réponses ignorent l’interrogation
totale. 36 personnes seulement y
répondent, dont sept par la négative.
Pour les 34 enquêtés qui ne répondent
qu’à la question partielle, la non-
réponse ne représente qu’une ellipse
du oui. Cette réponse vaut pour un
double assentiment à la question qui
semble être de pure forme pour les
enquêtés. Il va de soi qu’il y a des
éléments sonores graves, la seule
question pertinente étant : lesquels ?
L’existence de tels éléments sono-
res étant présupposée, comme
appartenant au domaine de l’évidence
partagée avec l’enquêteur, l’enquêté
réinterprète la question posée et fait
l’hypothèse que la question réelle de
l’enquêteur est celle-ci.
On peut donc penser que les
enquêtés qui n’ont répondu qu’à
la question partielle lesquels ont
été particulièrement sensibles aux
modalisations employées dans la
question.
L’analyse des réponses à la question
sur le jugement des éléments
sonores graves indique à nouveau
l’importance des sources sonores. Les
sujets se trouvant dans l’impossibilité
d’abstraire le bruit lui-même de la
source émettrice, la dénomination de
la source sert de médiation pour faire
surgir la référence à une nuisance.
L’analyse des modes d’énonciation
nous a permis de mettre en relation
une quasi-absence de syntaxe et un
comportement de sujétion au bruit.
Ainsi, il semble que des phrases
averbales, réduites souvent à un
simple groupe nominal, traduisent une
forte domination par les bruits graves
des enquêtés les plus sensibles, alors
qu’une syntaxe plus complexe indique
une prise de distance vis-à-vis des
phénomènes sonores objectivés par
l’énonciation ainsi qu’une meilleure
acceptation (cf. [9] pour des résultats
similaires).
Les adjectifs descriptifs du ressenti
des sujets indiquent l’influence d’une
mémoire du corps non conceptualisée :
le sujet, comme un corps plongé
dans un environnement, décrit des
effets incorporés en référence à des
expériences sensibles.
Exemple d’analyse linguistique
Basses fréquences en milieu urbain : qu’en disent les citadins ?