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Approfondissons…
Acoustique
&
Techniques n° 42-43
fréquents – mais aussi du point de vue de leurs propriétés
isolantes. Les nombreuses études réalisées sur différents
types de façades envisageables ont permis des progrès
considérables et on peut dire aujourd’hui que les façades
industrielles modernes atteignent dans la plage des
fréquences moyennes les mêmes niveaux d’isolation
acoustique que ceux que l’on obtenait autrefois avec des
parois simples et dix fois plus lourdes.
Les deux exemples qui suivent ont un caractère
suffisamment typique pour pouvoir illustrer la démarche
appliquée selon que l’on travaillait sur les nuisances
sonores d’une installation à l’air libre ou confinée dans un
bâtiment.
Dans les années 50, on décida de planifier et de
construire à Munich dans la Müllerstraße - autrement dit
en plein secteur d’habitation - une centrale thermique
de 50 MW. Ce projet marqua une étape importante
dans la maîtrise des émissions sonores d’installations
industrielles exploitées dans des bâtiments. A l’époque,
les centrales étaient encore extrêmement bruyantes et
leur bruit s’entendait à des kilomètres à la ronde. Par
conséquent, une exploitation de ce type dans une zone
résidentielle exigeait des dispositions en amont afin de
rendre la centrale ‘inaudible’comme l’exigeait la procédure
d’agrément. Sur le plan technique, cela signifiait qu’en
mode de fonctionnement normal, l’installation ne devait
pas augmenter la valeur de référence de 40 phones DIN –
soit le plus bas niveau sonore en heures nocturnes – dans
le voisinage. Pour les pics occasionnels et émergences de
courte durée, on convint d’une valeur de 60 phones DIN au
niveau des habitations les plus proches.
Pour que la planification puisse atteindre ces objectifs, il
fallait donc dans un premier temps déterminer le niveau de
bruit à l’intérieur de la centrale en analysant les émissions
sonores des différentes sources. Or, les puissances
acoustiques de référence aujourd’hui listées dans les
bases de données n’existaient pas encore ; on ne disposait
pas non plus de prescriptions ou méthodes reconnues
pour procéder aux mesures. Il fallut par conséquent
déterminer le niveau d’émission des sources en effectuant
des mesures sur des organes et systèmes comparables
dans des milieux acoustiques variés.
Partant d’un niveau de bruit théorique à l’intérieur d’une
part, et du niveau de bruit à distance qu’il fallait respecter
d’autre part, on dut émettre des hypothèses sur les
conditions de rayonnement et de propagation pour pouvoir
envisager les solutions d’isolation à prendre au niveau des
parois extérieures et des différentes sources. Bien sûr, il
n’existait encore à l’époque aucune directive structurant
cette démarche, et c’est à l’ingénieur acousticien qu’il
revint en pleine et entière responsabilité de résoudre le
problème et de mettre au point une méthode fiable à partir
de ses connaissances en physique. Aujourd’hui, on dispose
de directives claires et, pour le volet métrologique, de
modes opératoires reconnus qui s’appuient sur la théorie
et l’expérience et il est difficile rétrospectivement de se
figurer les remises en question véhémentes auxquelles
l’approche que nous retraçons ici – justifiée et parfaitement
fondée – a pu donner lieu en son temps.
Outre les émissions primaires propagées par la voie
aérienne, il fallait également considérer les émissions
secondaires provoquées par une excitation ou un
ébranlement du sol et qui était susceptibles d’atteindre
les habitations riveraines. Les ingénieurs définirent et
réalisèrent des solutions adéquates et les mesures
effectuées lors de la réception de la centrale attestèrent
qu’en mode de fonctionnement normal, l’installation ne
dépassait pas le niveau d’émission maximal exigé. On
était ainsi parvenu à satisfaire aux exigences de maîtrise
d’une nuisance sonore et à démontrer que l’application
systématique des techniques de réduction du bruit
permettait de construire des installations de grande
envergure dans des zones d’habitation sans avoir à
redouter de nuisances pour leur environnement.
Le travail effectué sur la centrale thermique de la
Müllerstraße à Munich permit par ailleurs de démontrer
que l’on pouvait prédire les caractéristiques technico-
acoustiques d’une installation industrielle, et intervenir sur
cette base dès le stade de la planification. C’était là une
constatation essentielle pour la définition et l’application
contraignante d’exigences acoustiques - car en l’absence
de toute méthode de prédiction fiable sur laquelle fonder
une planification, les chances de respecter un plafond
d’émissions sont effectivement minimes.
Dans les années 70 et 80, les unités de craquage
produisant de l’éthylène et du propylène à partir de
pétrole brut constituèrent un autre exemple important de
l’application ciblée des solutions de protection antibruit
dans le contexte des grandes installations industrielles.
En général, la réglementation prévoyait dans les zones
résidentielles voisines (rarement distantes de plus de
1000 mètres) un plafond maximal de 35 dB (A) pour les
immissions sonores provoquées par l’installation, ce qui
nécessitait des solutions d’insonorisation complexes.
Rappelons pour mémoire quelques paramètres typiques de
ce genre d’installation : une production annuelle maximale
d’environ 450 000 tonnes d’éthylène, environ 500 MW
d’énergie thermique consommée pour produire 100 MW
d’énergie mécanique, jusqu’à 10 fours et compresseurs,
environ 70 pompes et 500 vannes de régulation sur une
surface d’environ 37 500 m
2
.
Leur dimension, leur puissance, la complexité du procédé
utilisé, les quantités d’énergie consommée et transformée
et la nécessité de construire en plein air pour des raisons
de sécurité classent les unités de production d’éthylène en
tête des installations pétrochimiques les plus bruyantes.
La définition des solutions de protection acoustique à
envisager était compliquée par le nombre et la diversité
des sources de bruit concernées. Il fallut élaborer des
spécifications exactes à la fois pour les valeurs d’émission
maximales autorisées, pour les solutions d’insonorisation
nécessaires mais aussi pour les méthodes de mesure qui
s’appliqueraient lors de la réception.
Les émissions sonores d’une unité de production
d’éthylène sont dues pour l’essentiel aux écoulements et
aux combustions nécessaires au process. Les solutions
primaires appliquées visèrent une réduction de la vitesse
caractéristique des écoulements. La conception de
100 ans d’ingénierie acoustique allemande appliquée aux techniques de réduction du bruit