Approfondissons…
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Acoustique
&
Techniques n° 42-43
Cremer et Heckl y exposent les phénomènes de la
dynamique des structures liés à la production et à la
propagation du bruit en milieu aérien et dans les solides ;
la démarche adoptée est remarquablement cohérente
avec le mode de pensée acoustique. Leur ouvrage a fait
tomber un certain nombre de barrières entre l’acoustique
et la dynamique des structures, qui relève de la mécanique
classique. La démarche de fond et de forme appliquée a
marqué l’ouverture des deux disciplines l’une à l’autre et
fondé l’approche pluridisciplinaire systématiquement mise
en œuvre aujourd’hui.
Si l’acoustique s’était dotée d’une théorie applicable
à la construction, encore fallait-il que ses nouveaux
acquis soient pris en considération dans la pratique,
et d’abord formalisés dans des normes et directives.
Outre de nombreux experts et conseillers compétents
et persévérants, l’Institut Fraunhofer de physique du
bâtiment et son directeur Karl Gösele y contribuèrent pour
beaucoup. On leur doit en effet de nombreuses études
pratiques dont les résultats servirent de base aux travaux
de normalisation.
Les ouvrages [26] et [27] rendent compte de cette étape ;
leurs différentes éditions permettent de suivre les progrès
réalisés et intégrés à la planification et à la construction
au fil des 35 dernières années.
On peut dire pour conclure que le développement de
la protection acoustique dans le secteur du bâtiment a
été caractérisé ces cinquante dernières années par les
progrès suivants :
- Introduction et optimisation des dalles flottantes limitant
la propagation des bruits de pas ;
- Introduction de réalisations à doubles parois pour
améliorer l’isolation acoustique tout en réduisant les
masses ;
- Abandon progressif des réalisations massives et adoption
de solutions complexes allégées dont les performances
acoustiques furent régulièrement améliorées ;
- Suppression quasi totale des phénomènes de cavitation
au niveau des équipements et installations hydrauliques
du bâtiment grâce à l’expérimentation et à l’application
systématique de nouvelles connaissances scientifiques ;
- Elaboration et application de notions et paramètres
spécifiques à l’acoustique des bâtiments tels que les
indices d’isolement aux bruits aériens et aux bruits
d’impact (bruits de pas) sont evalués par comparaison
ponderée avec une courbe d’objectif ;
- Elaboration d’un ensemble de normes et de
réglementations visant le long terme et régulièrement
actualisées afin de coller aux progrès techniques de la
construction.
La protection acoustique dans les milieux
professionnels et industriels
Au milieu des années 60, on avait remédié aux déficits
les plus patents dont la construction de logements avait
souffert depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et la
lutte antibruit commença à se concentrer sur les édifices
professionnels et industriels. Dans ce secteur également,
les deux États allemands en pleine reconstruction avaient
relégué les questions d’isolation acoustique au second
plan. Mais les doléances des riverains ne tardèrent
pas à s’accumuler, relayées par les associations et
les communes. Le retour à une certaine prospérité
s’accompagnait d’exigences liées à la qualité de la vie
et par conséquent à la réduction de nuisances sonores
perçues comme intolérables.
Comme sous l’empire allemand, dans les années 50 on
pouvait déduire du code civil (
Bundesgesetzbuch
§ 906,
alinéas 1-3) une revendication pour la réduction du bruit,
qui stipule le droit à la préservation de l’intégrité physique.
Les personnes exposées au bruit devaient alors consulter
un avocat qui, après constatation du grief, exigeait de
l’exploitant qu’il fasse appel à un spécialiste – en règle
générale un consultant en acoustique. On créait ainsi
la situation à partir de laquelle un ingénieur acousticien
Fig. 4 : Voiture électro-technique équipée d’appareils
de mesures analogues dans les années 70
Fréquences de coïncidence
C’est dans les années 40 que l’on découvrit le
phénomène des fréquences de coïncidence et que
l’on comprit leurs effets sur l’indice de transmission du
son et l’isolation acoustique des murs et cloisons. Les
premières applications pratiques de cette découverte
remontent aux années 50 lorsque les murs de briques
pleines cédèrent la place à des réalisations plus
économes de matériaux (béton au gaz, béton de
ponce). Le phénomène des fréquences de coïncidence
permit d’expliquer sans ambiguïté pourquoi des cloisons
lourdes et flexibles à la fois assurent un bon niveau
d’isolation acoustique.
Cette découverte se traduisit également par une
application qu’il est intéressant de mentionner sur
un plan historique. On essaya de réaliser des cloisons
souples en utilisant des plaques minces peu rigides
alourdies par des masses locales qui ne dégradaient pas
la rigidité en flexion. La souplesse de la réalisation devait
permettre d’obtenir une onde courte, en latin ‘brevis
unda’, d’où la désignation ‘brevunda’choisie pour faire
valoir les avantage du produit, dont la commercialisation
ne rencontra pourtant pas un vif succès.
100 ans d’ingénierie acoustique allemande appliquée aux techniques de réduction du bruit