Approfondissons…
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Acoustique
&
Techniques n° 42-43
en plus aux questions d’acoustique. Erwin Meyer, qui y
dirigea des années durant le département d’acoustique,
et Lothar Cremer y oeuvrèrent avec un tel succès qu’ils
furent appelés peu après la fin de la guerre à exercer des
fonctions universitaires.
Tous deux réussirent par la suite à faire de leur instituts
respectifs – le troisième Institut de physique de l’université
Göttingen, fondé par Erwin Meyer en 1947 et l’Institut
d’acoustique technique de l’université technique de Berlin,
fondé par Lothar Cremer en 1954 – d’importants centres
de formation et de recherche dédiés à l’acoustique
physique et technique. Le troisième centre vit le jour
à Dresde à partir de l’Institut des courants faibles,
établissement réputé que dirigeait Barkhausen, après
que Walter Reichardt eut répondu en 1950 à un appel
visant la fondation de l’institut d’acoustique électrique et
du bâtiment de l’université technique de Dresde.
L’importance croissante des questions d’acoustique et le
besoin accru d’ingénieurs et de physiciens formés à cette
discipline se retrouva dans les formations dispensées par
les universités et par les instituts universitaires techniques
où des professeurs compétents en matière d’acoustique
enseignèrent de plus en plus nombreux, ancrant ainsi la
matière interdisciplinaire « Acoustique technique » dans
de nombreux départements et cursus.
Son travail à l’université n’a pas empêché Lothar Cremer
de continuer ses activités de conseil et il est intéressant de
signaler ici une autre des traces qu’il a laissées. Lorsqu’il
rejoignit Berlin en 1954, il laissa derrière lui à Munich son
Laboratoire de technique sonore qui continua ses activités
sous la houlette d’Helmut Müller avant d’être repris par ce
dernier puis d’être intégré au nouveau
Schalltechnische
Beratungsbüro Müller-BBN
ouvert en 1962 par Helmut
Müller, Manfred Heckl et trois autres membres fondateurs.
Ce cabinet d’ingénierie fusionna par la suite avec de
nombreux organismes existants ou nouvellement fondés
qui axaient également leurs activités acoustiques sur la
lutte antibruit – un indice supplémentaire de l’importance
croissante qu’acquit rapidement la réduction technique
des nuisances sonores à cette époque.
Cette importance se reflète également dans l’activité
foisonnante des organismes publics et professionnels qui
ont contribué dans leurs domaines respectifs au progrès
de la lutte antibruit par leurs nombreuses suggestions
et réglementations. Il s’agissait dans certains cas de
départements oeuvrant en aval des administrations
publiques et plus spécifiquement chargés non seulement
de prendre des dispositions mais aussi de veiller à la
réalisation et à la promotion d’études ciblées qui ont
permis de faire évoluer l’état de l’art et de mettre en
application les solutions de réduction du bruit.
Il convient de mentionner ici les nombreux comités de
normalisation et les cercles d’ingénieurs acoustiques car
ce sont eux qui ont fait en sorte que les normes reflètent
le niveau de faisabilité technique du moment, qui l’ont
décrit dans le texte des directives et en ont recommandé
l’application et ce, bien avant que les personnes exposées
au bruit et le législateur ne commencent à le réclamer. En
République fédérale, ce sont pour l’essentiel les cercles
du VDI et, à partir de 1965, la Commission de réduction
du bruit VDI. Depuis sa création et même après sa fusion
avec les cercles spécialisés de l’institut de normalisation
DIN au sein du Comité de normalisation Acoustique,
Réduction du bruit et Techniques vibratoires du DIN et
du VDI – le
Normenausschuss Akustik, Lärmminderung
und Schwingungstechnik
ou NALS, cette commission a
largement contribué à concrétiser le niveau actuel des
techniques de réduction du bruit en Allemagne [22].
En République démocratique allemande, la Chambre de
la technique ou
Kammer der Technik
était l’homologue
du VDI en République fédérale. Elle était flanquée d’un
groupe de travail centralisé fondé en 1957 et dénommé
AG (Z) Lärmschutz
dont relevaient tous les secteurs de
l’activité sociale sources de bruit ou exposés au bruit.
Cet organisme de conseil, qui bénéficiait de l’assistance
de divers départements publics et professionnels,
avait pour mission d’élaborer les normes et directives
acoustiques, de coordonner les volets scientifiques des
projets de recherche et de développement, de mettre
au point des propositions visant à lancer de nouvelles
études et réglementations et de formuler des points de
vue et recommandations à l’intention des entreprises et
administrations. Dans les communes, cet organisme était
relayé par les sections communales de lutte contre le
bruit, qui dépendaient de la Société d’hygiène générale et
communale de la RDA.
Un autre comité d’orientation important était le Comité
de coordination pour la lutte antibruit dans le secteur
des machines dépendant de l’Institut central pour la
protection au travail de Dresde (ZIAS), qui, en tant
qu’organisme chargé de la lutte contre le bruit et les
vibrations, joua un rôle important dans la formulation de
missions et d’objectifs liés à l’acoustique des machines.
La définition d’objectifs ambitieux et les recommandations
en faveur de la mise à disposition par l’État des moyens
nécessaires avaient pour but de procurer au secteur de
la construction de machines-outils de la RDA un avantage
concurrentiel sur les produits étrangers qui profiterait aux
exportations. Le label « peu bruyant’devint ainsi un facteur
de qualité clairement défini et reconnu pour les machines
et outillages [23].
La protection antibruit dans le bâtiment était confiée
– outre divers organismes universitaires - à l’Académie
de construction de la RDA sise à Berlin qui oeuvra des
décennies durant par son propre travail de recherche au
développement de l’état de l’art et des techniques.
Les deux États allemands firent évoluer chacun de leur
côté l’appareil de normes DIN (resté DIN en RFA et baptisé
TGL en RDA pour
Technische Normen, Gütevorschriften
und Lieferbedingungen
à partir de 1960 environ) que
leur avait légué le Reich et pourtant, on ne constate
aucune divergence fondamentale en dépit de cette double
évolution. Les forces agissantes sont parvenues des deux
côtés à éviter cet écueil et le fait que l’on ait pu préserver
un certain parallélisme est dû à la volonté persistante de
scientifiques et ingénieurs réputés qui, des deux côtés de
la frontière, ont mis tout leur poids dans la balance pendant
des dizaines d’années pour que les échanges d’idées et
d’informations sur les réglementations continuent d’avoir
100 ans d’ingénierie acoustique allemande appliquée aux techniques de réduction du bruit