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Approfondissons…
Acoustique
&
Techniques n° 42-43
Il convient de mentionner en outre l’étude de plus en plus
systématique des mécanismes présidant à la production
du son et à sa propagation ainsi qu’aux moyens de
l’influencer, qui furent exposés de façon abrégée en 1950
par Werner Zeller dans son livre
Technische Lärmabwehr
[1] consacré aux techniques de lutte antibruit.
La lutte contre le bruit a directement profité des efforts
accrus entrepris dans la première moitié du XXe siècle
dont témoignent ces exemples. On peut ajouter à l’appui
des travaux et publications déjà cités un certain nombre
d’ouvrages et de compendiums de l’époque [1], [2], [18],
[19] ainsi que la rétrospective effectuée dans le livre de
Schmidt [20].
Mais l’acquisition de connaissances acoustiques et
techniques n’est qu’une étape. Il faut pouvoir ensuite
communiquer ces connaissances et les faire passer dans
la pratique, ce qui suppose à la fois des réglementations
techniques et des valeurs de référence permettant de
caractériser la nuisance subie par les personnes exposées
et de disposer ainsi d’une base de décision afin de juger de
l’adéquation des solutions « possibles ou nécessaires » à
engager. Cette distinction entre le nécessaire et le possible
est fondamentale dans les directives et les prescriptions
et c’est aux comités de normalisation et d’élaboration
de directives qu’il incombe de la faire. En Allemagne,
ces comités se sont formés dès le premier tiers du XXe
siècle et ont pris la forme des comités de normalisation
du
Deutsches Institut für Normung
(DIN) ou encore des
cercles de travail du
Verein Deutscher Ingenieure
(VDI).
Citons à titre d’exemple la norme
DIN 4110 : Dispositions
techniques relatives à l’agrément de nouveaux modes
de construction
qui, certes, ne formule pas encore
d’exigences sur les installations techniques des bâtiments
et leur nuisance sonore mais qui contient déjà d’utiles
indications sur les valeurs d’atténuation des bruits de pas
et des bruits propagés par la voie aérienne que doivent
atteindre divers matériaux sur les bancs d’essais.
Dans les années qui suivirent, on continua de travailler à
la
Directive relative à la protection contre le bruit dans
les bâtiments
, qui fut également publiée en 1944, peu
avant la fin de la guerre, en tant que norme DIN 4109.
Outre la meilleure façon de concevoir les éléments
de construction, ses remarques et recommandations
portaient également sur le rôle de la planification des
bâtiments et des contextes urbains. Elle définissait comme
exigence minimale d’insonorisation d’une paroi en briques
pleines la valeur de 48 dB (depuis 1989 : 53 dB). Ces 48
dB étaient également repris comme valeur minimale pour
les plafonds.
Le bruit de voisinage mais aussi la nuisance sonore
croissante provoquée par les industries et par le trafic
furent pris en considération dans les travaux d’un comité
spécifique fondé en 1930, le Comité VDI pour la Réduction
du bruit, qui se préoccupa essentiellement des aspects
techniques et physiques de la lutte antibruit dans les
milieux industriels et professionnels et dans le trafic. Les
premières mesures du bruit du trafic s’effectuèrent en
liaison étroite avec l’Institut Heinrich Hertz de Berlin et
ce, en accordant une attention particulière au bruit des
systèmes d’échappement et des avertisseurs sonores. Ce
Comité VDI pour la Réduction du bruit organisa un certain
nombre de réunions de ses sous-comités avant de se
présenter devant un plus large public en 1932, lors du
congrès VDI [21].
Mais il était apparemment trop tôt encore pour les
projets et les initiatives de grande envergure. C’est ce
que semblent indiquer les réactions des administrations
chargées de la construction dans le cadre d’une enquête
effectuée par le sous-comité sur la technique du bâtiment
et qui portait sur l’influence de la conception architecturale
sur l’acoustique : on exprime son intérêt, on transmet
quelques rapports et quelques recommandations. Mais on
n’entreprend aucune des observations systématiques ni
des études nécessaires et ce, par manque d’appareils de
mesure et de moyens financiers.
Les techniques de lutte contre le bruit
après 1945
A l’issue du second conflit mondial, la reconstruction de
l’Allemagne dut se concentrer sur des besoins absolument
élémentaires et dans un premier temps, les questions de
protection contre le bruit ne se virent accorder qu’une
place secondaire. Mais justement parce qu’il s’agissait
d’une reconstruction et qu’elle s’effectuait dans le cadre
d’une technicisation clairement perçue, la protection contre
le bruit ne tarda pas à occuper une place explicite dans
les procédures d’agrément et de planification. Cette place
se consolida et se développa au cours des années qui
suivirent et cette évolution fit que la lutte technique contre
le bruit, en tant que domaine d’application spécifique de
l’acoustique technique, prit peu à peu forme et contours
jusqu’à devenir une discipline technique en tant que telle.
Cette revalorisation de l’ingénierie acoustique eut pour
point de départ les centres d’acoustique créés peu après
la guerre à Berlin, Dresde et Göttingen. A Berlin, l’Institut
Heinrich Hertz spécialisé dans la recherche vibratoire et
qui s’inscrivait dans la tradition de la physique vibratoire
sur les traces de Karl Willy Wagner s’intéressa de plus
Fig. 1 : Le ‘batteur de plancher’, invention géniale qui permet
de reproduire les mesures de l’absorption des bruits
de pas (fonctionne aujourd’hui à l’électricité)
100 ans d’ingénierie acoustique allemande appliquée aux techniques de réduction du bruit