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Approfondissons…
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Acoustique
&
Techniques n° 42-43
C’est dans ce but que fut créée en 1908 la première
association allemande antibruit ou
Antilärmverein
sur la base
de la thèse publiée par Theodor Lessing :
Les nuisances
sonores – Pamphlet contre les bruits de notre vie
[11].
Cette société publie un bulletin appelé L’Antigoujat -
Der
Antirüpel
- dans lequel elle informe sur toutes les activités
d’atténuation du bruit engagées en Allemagne et dans les
pays voisins, sur les actions en justice et les jugements
rendus, les plaintes et les pétitions ou encore les mesures
administratives et ordonnances de police. Elle consacre
une rubrique spéciale aux progrès des techniques antibruit
– des protections auditives et cale-portes à l’insonorisation
des machines et des bâtiments. Malgré un accueil et des
débuts encourageants, l’
Antilärmverein
ne parvint pas à
dépasser le stade de ses nombreuses activités initiales
pour s’inscrire dans une action à long terme, ni à mobiliser
les fonds nécessaires, ni à motiver suffisamment ses
quelque 1000 membres pour qu’ils s’impliquent dans le
travail de l’association. C’est ainsi que la tentative d’établir
une société allemande de lutte contre le bruit se solda au
bout de trois ans par un échec et ce, en dépit des nombreux
espoirs qu’elle avait suscités lors de sa création à l’automne
1908 et à la différence de son homologue new-yorkaise
Society for the Suppression of Unnecessary Noise
fondée
en décembre 1906.
On peut citer jusqu’à aujourd’hui de nombreux cas de lutte
contre le bruit où les solutions à appliquer le furent aussi
et surtout parce qu’elles entraînaient d’autres avantages
- économies d’énergie et de carburant ou diminution
de l’usure. Les revêtements de chaussée en asphalte,
qui développèrent ensuite leur propre dynamique dans
le contexte de la réduction des nuisances sonores,
constituent l’un des tous premiers exemples de cette
conjonction d’intérêts.
Les tramways électriques, le développement des villes et
la distance croissante séparant le domicile du lieu de travail
conduisirent à une explosion des transports individuels et
publics. Le bruit de « déferlement » de la circulation vint
se superposer à la coulisse sonore que composaient les
bruits de la ville jusqu’à créer cette symphonie urbaine
immortalisée en 1927 par le film
Berlin, Symphonie der
Großstadt
([12]) – une glorification qui ne pouvait toutefois
ni compenser ni faire oublier la nuisance subie au quotidien.
Or, les nouvelles chaussées en asphalte semblaient
présenter de nombreux avantages et promettre une issue
au problème posé par ce vacarme.
Après Paris en 1854, Berlin fut la première grande ville
allemande à introduire en 1878 l’asphaltisation des voies de
circulation principales et ce, contre l’avis des propriétaires
de véhicules hippomobiles qui craignaient de manquer de
prise les jours de mauvais temps et dans les montées.
Cette solution permit de supprimer enfin le vacarme que
produisaient les cahots et les heurts des roues ferrées sur
les pavés inégaux et la nuisance sonore que subissaient
de ce fait les habitants des quartiers très peuplés. Ainsi
naquit le « pavé silencieux », précurseur de notre « asphalte
silencieux ». Il est d’ailleurs tout à fait intéressant de suivre
le débat enflammé que suscita à l’époque le nouveau
revêtement, dont l’adéquation et la fonctionnalité étaient
loin de faire l’unanimité, car sa virulence ne le cède en rien
à celle de nos débats actuels.
Le réseau des chaussées asphaltées ne s’est étendu que
lentement en Allemagne en raison des coûts élevés de
construction, d’entretien et de nettoyage (enlèvement
régulier du crottin, par exemple, qui aurait pu provoquer
des dérapages), et ce, alors même que les médecins
et les associations de propriétaires - soucieux de santé
publique dans le premier cas et du niveau des loyers
dans le second – soulignaient les bienfaits des chaussées
asphaltées et que les responsables de l’hygiène sociale
avaient ajouté au début des années 1890 la non-bruyance
aux « exigences définies pour la consolidation idéales
des voies ». Toutefois, dès cette époque, le service
d’urbanisme municipal de Berlin chargé de la construction
des voies et chaussées dut constater que, même dans la
capitale et ville la mieux asphaltée du pays, les victoires
de la lutte antibruit et le gain de silence procuré par les
nouveaux revêtements se trouvaient annulés et débordés
par l’intensité croissante de la circulation [9]. Il n’empêche
que le débat autour du bruit était désormais lancé, pour la
population comme pour les pouvoirs publics – et que ce
débat ne s’arrêterait plus.
Au XXe siècle, ce débat fut accompagné de travaux de
recherche acoustique qui reprirent et développèrent les
thèses de Lord Rayleigh grâce à l’étude approfondie de
nombreux phénomènes et effets acoustiques [8]. Citons
ici quelques travaux importants pour la lutte antibruit de
cette époque et de la période qui suivit :
- La découverte explicite, la formulation, la déduction et la
vérification métrologique par R. Berger de la loi de masse
ou loi de Berger (1910, [13]). Selon cette loi qui découle de
la théorie de Rayleigh, l’isolation acoustique d’une paroi est
donnée en première approximation par la masse surfacique
de la paroi.
- L’introduction de l’unité « décibel (dB) » (fin des années 20)
sur la base de l’échelle du logarithme base 10 multiplié par
10 pour exprimer les paramètres de champ et d’intensité
acoustique. Le bel et le décibel sont en usage depuis 1925
dans les télécommunications.
- L’introduction de la notion « d’intensité sonore » applicable à
tout bruit avec une valeur en phones convenue correspondant
au même nombre de décibels à une fréquence de 1000 Hz ;
le développement et la construction des premiers appareils
de mesure subjective de l’intensité sonore par Barkhausen
(1926, [14]). - - - La détermination de valeurs de référence
via la comparaison des sons s’est avérée jusqu’à aujourd’hui
un instrument précieux de la psychométrie auditive.
- La détermination empirique de rapports d’approximation
simples (formule de Piening par exemple, 1937, [15]) pour
une première évaluation de l’atténuation obtenue grâce à
l’utilisation d’amortisseurs de bruit.
- La déduction (1942, [16]) et la démonstration empirique
(1948, [17]) du phénomène des fréquences de coïncidence
qui se produit lorsque la longueur d’onde de la fréquence
sonore et la longueur d’onde de flexion du matériau
coïncident – ces creux de coïncidences provoquant une
chute brutale des qualités insonorisantes.
- Développement d’autres appareils de mesure des
paramètres de champ, de conception et des paramètres de
matériaux – avec un appareil de mesure du niveau sonore
par exemple ou encore un dispositif à marteaux appelé
« batteur de plancher » pour mesurer l’absorption des bruit
de pas.
100 ans d’ingénierie acoustique allemande appliquée aux techniques de réduction du bruit