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Spécial “10
e
anniversaire”
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Acoustique
&
Techniques n° 42-43
des structures mécaniques et les attributs perceptifs des
sons engendrés par leur mise en vibration.
Les études de psychomécanique ont commencé dans
le domaine de l’acoustique des instruments de musique.
On considère que le pionnier du domaine est Freed
[66]. Ce dernier a procédé à des tests d’écoute sur
des enregistrements de sons produits par des objets
métalliques frappés par divers marteaux. Son but était
d’identifier les paramètres acoustiques qui provoquent
les diverses sensations induites et en particulier ceux qui
déterminent l’impression de dureté du marteau.
En France, la principale contribution provient des équipes
de Antoine Chaigne et de Steve McAdams, contribution
matérialisée notamment par la thèse de Vincent Roussarie
[45]. McAdams et al. [43], à partir d’un modèle de
rayonnement de structure créé par Chaigne et Lambourg
[67], ont examiné un problème un peu analogue à celui
de Freed [66], à savoir les attributs perceptifs de sons
rayonnés par des barres ou des plaques frappées. Ces
structures avaient des géométries, des densités et des
amortissements propres différents. Par une analyse
multidimensionnelle des réponses à des tests de
dissemblance, ils ont pu identifier un espace perceptif
dans lequel pouvaient se répartir les différentes images
auditives produites. Ils ont ensuite mis en correspondance
les dimensions de cet espace et les propriétés mécaniques
des structures.
Au Laboratoire de Mécanique et d’Acoustique, les études
de psychomécanique sont partiellement orientées
vers le domaine très actuel de la qualité sonore des
environnements et des produits. Les applications,
et par conséquent les recherches sur le sujet, sont
maintenant nombreuses. Le domaine des transports
est parmi les plus riches
2
(confort acoustique dans une
automobile, un train…). L’objet des recherches est donc
l’étude complète du
transfert psychomécanique
, c’est-
à-dire que l’on examine d’une part les caractéristiques
physiques des vibrations des structures en fonction de
leur mode d’excitation et de leurs propriétés mécaniques
et géométriques, puis d’autre part les caractéristiques
auditives, ou attributs perceptifs, des rayonnements
produits par ces vibrations [68]. Autrement dit, les études
habituelles de vibroacoustique sont élargies à une étude
perceptive de l’effet des vibrations. Cette dernière porte
sur l’ensemble des propriétés perceptives des signaux
acoustiques, et sur les relations entre ces propriétés et
les variables mécaniques. Mais au-delà de ces relations,
l’intérêt se porte sur l’aspect «agrément» des signaux
sonores et sur les solutions à envisager pour agir sur cet
aspect, c’est-à-dire pour maîtriser leur niveau de qualité.
Il faut également signaler la remarquable étude de
Faure et Marquis-Favre [69], sur le problème voisin de
l’absorption du son par les cloisons ou les vitrages. Ce
n’est plus tout à fait un problème de rayonnement, mais
plutôt de transmission par les parois, dont la mise en
équation est relativement bien maîtrisée. Pour un bruit
extérieur donné, on peut donc déterminer le spectre des
signaux transmis, puis évaluer leur qualité perceptive, par
des tests psychoacoustiques convenablement choisis.
Les résultats de ces tests peuvent, en retour, renseigner
sur les paramètres mécaniques de la structure (densité,
épaisseur, module d’Young…) qui régissent la qualité
de l’absorption produite. Des renseignements très
intéressants sont effectivement fournis par les auteurs,
concernant notamment le type de vitrage ou de châssis
testés, le type de fixation ou de conditions aux limites
entre plaque et support.
La procédure psychoacoustique plus ou moins commune
à toutes ces études consiste à effectuer des tests de
dissemblance sur une série choisie de signaux synthétiques
résultant des calculs de rayonnements, puis d’évaluer la
qualité de ces signaux (rayonnés ou transmis) par des
mesures absolues d’agrément ou des mesures relatives
de préférence. Les tests de dissemblance, associés à une
analyse multidimensionnelle des jugements, permettent de
révéler l’espace perceptif où se sont répartis les sons, ou
plutôt les réponses auditives à ces sons. On tente alors de
corréler les dimensions de cet espace aux caractéristiques
mécaniques de la structure vibrante, pour identifier celles
qui influent sur la perception. Les tests de préférence ou
d’agrément global permettent d’évaluer la contribution de
chaque paramètre physique de la structure à la qualité du
rayonnement tel qu’il est perçu.
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La psychoacoustique : science de l’audition, science du son
2-La qualité sonore fait partie des thèmes du Groupe de recherche “Bruit des
transports”, dont on trouvera une description dans ce même numéro de la revue.