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Spécial “10
e
anniversaire”
Acoustique
&
Techniques n° 42-43
non-plongeurs (auditeurs naïfs sur le plan de l’exposition
au milieu aquatique) ne le peuvent absolument pas. Cet
effet de l’exposition à un milieu altéré est attribué par les
auteurs à des mécanismes d’adaptation du système auditif
qui permettent une réorganisation de la cartographie
auditive individuelle. Les recherches se poursuivent, au
Laboratoire de Mécanique et d’Acoustique de Marseille
pour tester la réalité ainsi que les limites de cette plasticité
du système auditif. Dans un esprit voisin, Blum et al. (2004)
[55] ont testé avec succès l’adaptabilité d’auditeurs à des
HRTF étrangères, par «ré-étalonnage» de leurs fonctions
auditives spatiales propres. Ils ont utilisé pour cela un
type d’entraînement particulier, dit multi-modal, exploitant
une méthode de retour proprioceptif manuel, dont les
avantages sont expliqués dans la publication citée.
La mesure du niveau «sonore»
La métrologie acoustique a normalement pour objet de
mesurer des niveaux de pression acoustique, exprimés
en décibels. En matière d’environnement, cependant, la
variable pertinente associée est plutôt le niveau
sonore
,
c’est-à-dire le niveau subjectif ou niveau de la sensation
auditive associée
1
. Ce niveau sonore devrait plutôt être
exprimé par la sonie, ou par le niveau d’isosonie qui en
découle.
Ces notions de sonie et d’isosonie sont des produits de
la psychoacoustique, et elles continuent de faire l’objet
de recherches. D’une part, la sonie est essentiellement
le résultat du codage de l’intensité acoustique par le
système auditif, tel que mentionné dans la première
section de cet article. Son étude se poursuit donc dans le
cadre des recherches sur l’audition. Mais d’autre part, la
sonie est une grandeur de premier plan dans le domaine
de l’environnement sonore. L’effort se poursuit donc aussi
pour aboutir à un outil qui permette sa mesure aisée et
fiable [56 ; 57].
La mesure objective (si l’on peut dire) de la sonie est le
plus souvent basée sur des logiciels progressivement mis
au point par les équipes de Zwicker, en Allemagne, et de
Moore, en Angleterre. Les versions les plus anciennes
[58 ; 59], adaptées aux signaux stationnaires, donnent
des évaluations de la sonie qui sont assez proches des
résultats de mesures subjectives effectuées en laboratoire.
Elles sont donc relativement fiables car, même si elles ne
donnent pas exactement les mêmes valeurs numériques
en sortie, ces valeurs sont généralement dans l’orbe de
la dispersion des mesures subjectives. Concernant les
sons non stationnaires et les sons impulsifs, la situation
est plus incertaine. Les logiciels cités plus haut ont été
modifiés par leurs auteurs pour intégrer les réponses
impulsionnelles de l’oreille humaine. Mais à ce jour le recul
est insuffisant pour apprécier la validité métrologique de
ces dernières versions des logiciels.
Il faut tout de même ajouter que la sonie, si elle est
essentiellement liée à l’intensité acoustique comme on
l’a écrit ci-dessus, dépend aussi de fonctions cognitives
difficiles à appréhender. C’est ainsi que Susini et Meunier
ont pu montrer l’influence d’effets de récence et d’effets
de mémoire, sinon sur la sonie instantanée, du moins
sur la sonie globale d’un son non stationnaire de durée
moyenne ou longue [60 ; 61 ; 62]. Or ce type de sons est
courant dans notre environnement, et il faut bien disposer
aussi d’outils pour en mesurer la sonie. Les modèles déjà
cités proposent des indicateurs, basés sur les calculs de
la sonie instantanée, pour caractériser cet aspect long
terme de la sonie. Mais la validité de ces indicateurs n’a
pas encore été confirmée, à notre connaissance.
Évaluation subjective des techniques de
protection contre le bruit
La psychoacoustique fait aussi son entrée progressivement
dans le domaine de la lutte contre le bruit et surtout
dans celui du contrôle actif. Tous les spécialistes l’ont
remarqué, le contrôle actif du bruit produit des résultats
souvent décevants lorsqu’il est abordé sous un angle
purement physique : les atténuations atteintes sont moins
impressionnantes, du point de vue subjectif, que ce que
les mesures physiques laissent espérer. Et pourtant, si l’on
trouve de nombreuses publications sur les caractéristiques
physiques des solutions de contrôle actif, seuls quelques
articles ont été consacrés aux effets subjectifs de ce
contrôle et au ressenti des auditeurs [63 ; 64]. Or il arrive
souvent qu’une réduction appréciable du niveau physique,
produite par contrôle actif du bruit, ne se traduise que par
une réduction négligeable du niveau subjectif, c’est-à-dire
de la sonie.
Les apports possibles de la psychoacoustique aux
problèmes de contrôle actif sont proches de ses
contributions à la qualité acoustique. En effet, le contrôle
actif entraîne une modification du signal acoustique, qui
était a priori gênant. Il s’agit donc d’évaluer l’amélioration
subjective que représente le contrôle, autrement dit
d’évaluer la «qualité», au sens large, du signal contrôlé.
Les indicateurs courants de la qualité ont été décrits par
Fastl [65]. Ils dépendent des signaux. Mais le principal
indicateur est la sonie, et dans une moindre mesure
l’acuité. Et en effet, l’étude de Canévet et Mangiante
[64] a montré que toute réalisation de contrôle actif doit
commencer par un examen du profil de densité de sonie,
puis être définie de manière à raboter les éventuelles
émergences présentes sur ce profil, émergences qui sont
généralement responsables de la gêne ressentie.
Dans le futur, on peut concevoir que le processus
de contrôle comportera, en temps réel, un calcul du
diagramme de densité de sonie du son, une recherche
de minimisation du niveau d’isosonie ou de l’acuité,
et finalement un façonnage spectral permettant cette
minimisation. Les mêmes algorithmes que ceux présentés
dans le précédent paragraphe pourraient donc être mis
à profit pour ces traitements et pour l’évaluation des
performances du contrôle actif.
La psychomécanique
La discipline a une quinzaine d’années, mais l’appellation
est récente. De la même manière que la psychoacoustique
traite des relations entre signaux sonores et sensations
auditives induites, le terme de psychomécanique désigne
l’étude des relations entre les caractéristiques intrinsèques
La psychoacoustique : science de l’audition, science du son
1-Au sens, et dans l’esprit, de la norme NF S 30-105 (Vocabulaire de l’Acoustique),
terme 08-25-010