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Spécial “Design Sonore”
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Acoustique
&
Techniques n° 41
Designer le son des objets : point de vue et application
transformant ainsi complètement l’utilisation et l’approche que
l’on en a (nouvelle ergonomie, nouvelle gestuelle, sympathie
de l’objet...), devrait posséder une identité, une signature et
une ergonomie sonore en rapport avec ces changements.
Les sonorités pourraient par exemple suggérer cette forme
ronde dans leur timbre ou leur rythmique, les sons liés à la
manipulation devraient pouvoir guider et aider l’appropriation
des différentes fonctionnalités, etc. Ce design de sons, s’il
est élaboré conjointement à la conception du design produit,
permet alors d’avancer ensemble et de trouver des solutions
avant que le projet ne soit figé (problème de diffusion du son par
exemple). Le design sonore va participer à la compréhension
du fonctionnement d’un objet. Distributeur de billets, répondeur
téléphonique, machine à laver électronique, magnétoscope,
ordinateur sont des objets qui établissent un dialogue, une
interaction simple ou complexe avec l’utilisateur. Mais c’est
bien le type de relation qu’ils établissent avec nous qui nous
fait les détester ou les apprécier plus que leur apparence
physique et leur manière d’occuper l’espace.
Quant à la matière, elle n’a jamais fait tant bouger la pensée.
Plastiques, métaux, céramiques et composites accroissent et
diversifient leurs performances, échangent leurs technologies
et leurs domaines d’application, se multiplient jusqu’à devenir
des matériaux sur mesure, parfois créés spécialement pour un
projet de designer, d’architecte ou d’ingénieur. Une chaussure
de sport, un lecteur de musique MP3, un four à micro-ondes,
un rasoir jetable, sont des objets très différents. Pourtant ils
ont un point commun qui les éloignent de leur prédécesseurs
: leur matérialité, plus dense et plus légère, la logique de leur
fonctionnement moins transparente et la matière dont ils sont
faits parlent moins à notre imaginaire.
Ces possibilités nouvelles desmatériauxmodifient le processus
même de conception d’un produit et les qualités techniques,
mais aussi culturelles, qu’on peut en attendre. D’un point de
vue sonore, certains matériaux vont «sonner» différemment
: un plastique aura bientôt les qualités acoustiques de bois
et une table donnera l’illusion d’être en bois ou exploitera de
manière intéressante cette confusion, une plaque de métal
traitée étouffera les sons d’impact au point de faire oublier
que c’est du métal etc. On peut même imaginer qu’un jour les
matériaux soient référencés selon une gamme de «coloration
sonore»...conséquence de l’évolution technologique dans la
conception des projets.
Récemment encore, au nom d’une hiérarchisation des besoins
où la qualité passait après la quantité, le beau après l’utile,
le sonore après le beau, certains déclaraient que la qualité
des choses résidait dans leur utilité, et que l’utile est beau
par définition. Aujourd’hui c’est impossible. Parce que l’utile
n’est plus aussi évident (à une utilité évidente correspond une
«dys-utilité» et une nuisance, le téléphone portable en est un
bon exemple), ensuite parce qu’on a pris conscience que le
beau est utile, en ce sens que vivre dans un environnement
agréable (aux sonorités dites «écologiques» par exemple),
cohérent avec sa propre culture est un des besoins essentiel
de l’homme. C’est dans ce sens que la démarche d’un designer
sonore parvient à donner une âme aux objets.
Des objets chargés de sens
Il serait temps que la culture du projet (conception et
industrialisation d’un produit) sorte de la spirale descendante
où elle semble de plus en plus s’enfermer. A la production
incontrôlée et incontrôlable de formes dénuées de raison
d’être, à l’aggravation de la pollution sémiotique et matérielle,
qui en découle, on pourrait envisager une nouvelle orientation
du projet, de nouveaux territoires, de nouveaux horizons de
sens, l’expérimentation de nouvelles pratiques. Le design
sonore a certainement un rôle important à jouer, peut-être
parce que le visuel arrive à saturation et que le son, matière
invisible, peut contribuer à rendre notre environnement artificiel
vivable, à lui donner de la variété et de la profondeur.
Créer des signaux signifiants,
« théorie » et application
« Théorie »
La création de signaux sonores qui font sens est loin d’être
une évidence. S’il on exclut le monde particulier de la musique,
pour qui tout un chacun développe une véritable écoute des
styles qu’il affectionne, on constate une quasi absence de
culture d’écoute des objets de nos environnements. Le son
n’est remarqué que lorsqu’il est nuisible, ce qui contribue tout
de même à faire évoluer les choses. Le meilleur exemple
en ce sens est le téléphone portable qui en moins d’une
décennie a contraint ses utilisateurs à exercer leur oreille,
à affiner leur écoute, jusqu’à les amener à créer eux-mêmes
leur sonnerie. Les utilisateurs ont compris l’importance du son
dans l’ergonomie d’usage de leur appareil mais également sur
l’image qu’il renvoie d’eux.