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Approfondissons…
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Acoustique
&
Techniques n° 41
le texte. J’ai pris la revue, et j’ai déambulé devant. C’est vrai
que j’aurais pu m’abriter à l’intérieur, pour parler, pour être
mieux entendue par mon interlocuteur, mais je l’ai pas fait. Je
suis restée à faire les 100 pas devant. » (15)
La déambulation en aller retour ne sort pas des limités du
dispositif sans doute parce que les personnes ont intégré
la consigne d’enquête, mais la démarche adoptée reproduit
bien un type d’attitude urbaine dans un contexte sonore
plausible.
3 – Fuite mobile
Si quelques uns vont tout de suite s’installer dans la pièce
incluse pour téléphoner sans raison sonore apparente, la
plupart « déménage » lorsque le son devient trop fort à leur
goût. Cette fuite n’est pas toujours immédiate mais au bout
d’une sorte de temps d’essai, mais l’émergence d’un passage
de train sur un temps long tend à provoquer un mouvement
du corps ou directement le déplacement en un autre lieu (il se
fait en choisissant un des deux espaces offrant des conditions
moins exposées).
- Derrière le dispositif, dans la « coulisse » arrière
Quelques utilisateurs vont se placer derrière la coulisse
pour téléphoner, ils fuient littéralement le son cherchant une
protection immédiate. Aller vers l’arrière se fait alors au plus
court, en empruntant le passage central. Cet espace n’offrant
pas d’assise, soit ils s’adossent à la paroi lisse pour continuer
la lecture, soit ils marchent dans la coulisse en aller et retour.
Nous voyons donc ici que l’attitude ou la démarche adoptée
n’est plus la même que celle qui prévalait sur la face avant.
- Installation assise dans la pièce la plus fermée/protégée
des sons extérieurs
Dans cette quête, la pièce la plus fermée recueille plus
d’adeptes que la coulisse arrière : il faut dire qu’elle est aussi
plus à l’écart des courants d’air et procure un retour sonore
sur la voix, la résonance du petit volume produit même un
halo sonore. Il faut ajouter que la diffusion de sons, certes
discrets, pouvaient perturber la lecture, cette hypothèse n’est
toutefois évoquée par aucun des participants.
Quelques explications éclairent l’attitude adoptée et l’on y
décèle des motifs circonstanciels d’ordre différent.
Ces conduites révèlent des polarisateurs, aucune personne
ne va vers la « proue » durant la séquence téléphonique par
exemple.
Conclusions
Ce type d’expérimentation a présenté deux types d’intérêt :
concevoir et tester un dispositif en tant que tel, permettre un
décryptage de conduites dans l’espace
11
. Partant d’un espace
minimal ayant des capacités multiples d’appropriation, nous
avons ainsi pu constaté comment les participants « essayent »
le dispositif et ses propriétés sonores.
Par rapport à nos intentions de mettre en valeur des liens
entre espace et son sur le plan des opportunités d’action, des
pistes commencent à voir le jour, on a vu que les nombreuses
possibilités du dispositif sont exploitées à l’usage. L’ensemble
du matériau montre différentes modalités de mise en jeu des
situations limites et d’inclusions. Il sera nécessaire d’affiner
pour spécifier les kinesthèses sonores que nous évoquions,
mais d’ores et déjà on peut entrevoir un répertoire de ces
attitudes ou postures faisant interagir espace et son. D’autre
part, si cette expérimentation et l’évaluation ont apporté des
éléments concernant nos hypothèses de départ il nous semble
clair que l’on peut pousser plus loin la conception architecturale
de dispositifs pensés selon les capacités sonores éveillées
par le mouvement et les postures en vue d’une ergonomie
sonore en architecture et design.
Moins qu’une recherche de pure efficacité phonique des
éléments construits, la recherche architecturale peut amener
de nouvelles réponses intégrant les relations d’usages de
l’espace et de confortement humain dans les situations
écologiques de l’action ordinaire. Il faut être conscient des
limites de ce type de mise en place expérimentale et nous
devons encore explorer des possibilités. Cette recherche
écologique sur les relations entre espace, son et potentiels
d’action mérite ainsi de se développer à côté de recherches
portant sur une part souvent trop purement « réceptive » de
l’ambiance.
assise
se lève (sonnerie) pour
répondre au téléphone
prend le journal et amorce
le déplacement en lisant
marche en lisant
vers l’inclusion
lit assise dans l’inclusion
face à l’ouverture
Assis dans
l’inclusion, vue
de la coulisse
Debout dans
l’inclusion dos
à la source
11 C’est le but que nous nous sommes assignés avec P. Liveneau dans le cadre
d’un programme d’expérimentation de « dispositifs ambiants multimodaux »
envisageable grâce aux GAIA.
Approche écologique de kinesthèses sonores : expérimentation d’un prototype d’abri public et ergonomie acoustique