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Approfondissons…
Acoustique
&
Techniques n° 41
- tourner la tête vers les sons dominants,
- tourner le dos au son pour parler,
- traverser un objet par le son (communication à travers une
ouverture ou un agencement spatial séparatif),
- toucher un élément solide pour le faire sonner
- faire varier les profondeur d’assise.
Choisir son chemin
Le dispositif impose de choisir de passer d’un côté ou de l’autre
du dispositif dès le début de l’exploration. Sur l’ensemble des
parcourants très peu passeront dans la « coulisse » entre
le bâtiment et le dispositif, partant tous du même point la
plupart choisiront de passer du côté droit dans le sens du
parcours, le plus exposé au son diffusé mais le plus « clair »
et ouvert. Le front sonore diffusé ne semble pas empêcher
l’utilisation de la partie avant mieux exposée au soleil et à la
lumière. Ce que nous avons appelé la « coulisse » est donc
très peu utilisé, elle est qualifiée de trop « lisse », elle n’offre
que très peu d’opportunités de passage et encore moins
de séjour. Le fait qu’elle soit un peu plus à l’abri des sons
[moins 10 dB (A)] par rapport au devant n’en fait pas un lieu
appropriable, il lui manque des aménités spatiales. Le fait
qu’un parcourant choisisse de passer plutôt d’un côté que de
l’autre -choix obligé compte tenu de la position de départ- n’est
pas forcément lié au contexte sonore, la lumière peut intervenir
(pour ce parcours, l’ensoleillement était intense) :
Parcours 5: Je m’en suis rendu compte une fois que je suis
parti… je sais pas pourquoi je suis parti par la droite. Mais je
me suis posé la question, j’étais déjà parti. Je pense que la
lumière y fait pour beaucoup. C’est à dire que si j’étais parti
de l’autre côté j’aurai eu le soleil en pleine figure. Et tout à
l’heure il était là -maintenant il y a des nuages, mais tout à
l’heure il y en avait pas- donc j’aurai été plus ébloui, j’aurai pas
pu regarder. Maintenant je pense qu’il y a aussi le fait que je
dois avoir plus tendance à contourner par la droite que par la
gauche. Mais c’est une habitude. Alors de fait… c’était plus
à l’ombre derrière. Donc je savais que si je regardais vers la
droite, j’aurais eu le soleil dans la figure. Donc j’aurai eu du
mal à voir l’objet.
Le temps passé du côté exposé par les parcourants est
globalement toujours beaucoup plus important que du
côté sombre et plus abrité. Nous aurions du peut être nous
éloigner du bâtiment pour rendre moins étroite (2,4 m
environ toutefois) cette partie perçue comme « l’arrière »
ou la constituer de manière moins lisse pour en vérifier les
potentialités. Les indications des non voyants
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sont à ce sujet
précieuses pour comprendre comment l’espace est sensible
par le son. Cette partie étroite est clairement identifiée par
le son pour eux (réflexions latérales), mais surtout leurs
remarques montrent que le dispositif n’est pas sensible aux
limites, le contour de l’objet n’est pas bien « défini » par le son
à leurs dires, pourtant dans leur progression en mouvement
ils ne s’en éloignent guère.
Selon nos trois catégories retenues initialement, les apports
ne sont pas du même ordre.
• La notion
d’articulation
sonore est fort peu éclairée
par les commentaires dans les entretiens après coup : il y
a bien la distinction d’un « avant » et d’un « arrière » mais
c’est le découpage spatial qui est déterminant. La modalité
du passage de l’un à l’autre n’est pas identifiée en tant que
telle. Les énoncés faits de mémoire immédiatement après
l’expérience ne nous ont pas montré la pertinence de cette
notion appliquée à l’une des parties quelconques du dispositif.
De même dans le cheminement parallèle au dispositif que ce
soit « devant » ou « derrière » la structure de continuité sonore
est sensible même s’il y a bien une émergence dès lors qu’on
échappe à l’objet construit à l’une de ses extrémités (des
prises de son avec émission de bruit rose depuis la ligne des
haut parleurs le montre très bien). La porte qui fait office de
passage est empruntée plusieurs fois dans les deux sens,
certains s’y arrêtent un instant au seuil orienté vers la rue. Dans
l’observation des conduites, peu de choses rendent sensibles
ce qui se passe lorsque l’environnement change durant le
déplacement, il serait nécessaire pour cela de fabriquer un
dispositif de transition proprement dit qui structurerait une
telle expérience dans une durée plus importante.
On a remarqué toutefois des moments d’arrêts dans cette
articulation sans doute dus à différents facteurs. La transition
que nous avons fabriquée à travers ce passage (plutôt une
porte épaisse de 1 m 50) est trop brève dans la durée pour
être remarquable et vécue comme phoniquement articulante,
d’autres éléments ambiants dominent la structuration
perceptive (luminosité, espace du corps).
• Les observations des conduites et récits après expérience
ont permis de constater certaines mises en jeu de ce que nous
appelons des situations limites où l’auditeur constate que les
choses changent ou peuvent changer s’il effectue unmouvement
de rotation, d’inclinaison ou d’esquissemotrice en avant du corps.
Par exemple, certaines assises du fait de leur configuration
offrent la possibilité par une modification d’inclinaison du corps
d’être plus ou moins « dans » le son extérieur ou intérieur de la
partie la plus fermée. Et certains parcourants expérimentent
différentes positions de leur corps dans le dispositif notamment
lors de la séquence du téléphone.
L’expérience révèle plusieurs éléments intéressant les
situations limites.
Limites en mouvement : expérience du passage devant une
ouverture :
L’expérience de passer devant une ouverture dont le son est
qualitativement différenciée génère le potentiel d’action d’aller
plus loin, d’y « mettre la tête ».
P 13
10
: On passait à côté, on passait devant la porte mais on
entendait nettement quand on passait. En général on passait
toujours la tête pour écouter.
P5: Tant que t’arrives à la première poutre, le premier poteau
là, tu peux dire que ça fait vraiment une séquence d’espace
public extérieur. Quand tu passes la tête un peu, dans le
premier passage, c’est un espace public intérieur.
L’expérience des limites phoniques s’incarne comme des seuils
de changements assez nets pour rester en mémoire, c’est la
mémoire spatiale qui situe le moment de ce phénomène.
P7 : Il y a un moment où c’est très distinct, où il y a des sons
qui changent, c’est quand on passe sous l’arcade avant de
rentrer.
9 Quatre mal voyants figurent parmi les enquêtés.
10 L’index P suivi d’un numéro fait référence aux enquêtes effectuées après
chaque parcours.
Approche écologique de kinesthèses sonores : expérimentation d’un prototype d’abri public et ergonomie acoustique