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Approfondissons…
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Acoustique
&
Techniques n° 41
particulièrement important notamment dans les processus
de création de confort et d’adaptation, que ce soit dans
l’habitat ou dans les lieux publics et de travail. La conception
architecturale et le design doivent saisir une source de
réflexion féconde à travers cette perspective qui intègre les
dynamiques d’usage au sien d’une ergonomie sonore.
Corps, espace et son
Dans cette perspective écologique de conception de l’espace
sonore, nous tentons d’approcher les dimensions « kinésiques »
en interrogeant les relations entre mouvement dans l’espace
de l’auditeur, contexte phonique et acte corporel. La notion de
kinesthèses
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que nous détournons ici en terme sonore vise à
orienter notre attention sur les relations mouvement/tactilité/
espace d’écoute. Il s’agit alors de placer la relation au son
au sein de l’expérience spatiale et d’explorer les modalités
par lesquelles le corps et les conduites motrices sont mis en
jeu par l’écoute, voire la ménagent. On peut considérer alors
les potentiels d’action et repérer les marges de manœuvre
possibles permettant de moduler un confort sonore dans
l’espace et dans le temps. Pour explorer ces hypothèses,
la méthodologie d’expérimentation, mise en place a été la
suivante.
Conception d’un prototype expérimental
Le but de l’expérimentation est de tester la conception sonore
et les types de kinesthèses sonores à partir de catégories que
nous avons repérées dans des situations ordinaires urbaines
ou architecturales et que j’ai nommées : « articulation »,
« limite » et « inclusion ». Chacune de ces catégories implique
des degrés de mouvement allant du plus ample au plus
réduit :
- l’articulation repose sur le déplacement dans l’espace et met
en jeu le passage dynamique entre lieux sonores différents,
- les situations limites sont liées à un déplacement minimal
créant un changement sensible du milieu sonore (mouvement
du corps ou de la tête)
- l’inclusion repose sur une situation statique (corps au repos)
qui met en tension la relation entre deux milieux sonores. Ces
trois modes identifient de quelle manière un passant ou un
usager peut établir des relations entre son répertoire d’action
et le milieu sonore.
Profitant des possibilités d’expérimentation architecturale
qu’offrent les grands ateliers de l’Ile d’Abeau (GAIA), nous
nous sommes orientés vers la construction d’un élément
architectonique
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de type « paroi » pouvant être situé en espace
public (abri bus ou autre mode de transport) ou pouvant être
transposé comme interface entre un espace public extérieur
et l’intérieur d’un bâtiment, ou encore comme élément pouvant
s’inscrire dans un grand volume (gare, espace souterrain). La
principe général de la conception de cet élément est d’offrir
« beaucoup de possibilités en très peu d’espace » selon
l’endroit où l’on se place en fonction du contexte.
Etant données les conditions sonores existantes dans la
site des ateliers, nous avons mis en place un dispositif de
sonorisation permettant de « simuler » un environnement
urbain de transport (cf. infra) ou plutôt de contrôler l’occurrence
de certains événements.
Implantation et thématique d’un dispositif
à « double face »
Le dispositif est implanté en extérieur sur un « quai » en béton
(flèche sur schéma ci-dessous) en s’inscrivant le long d’une
ligne parallèle au bâtiment existant (la grande halle s’ouvrant
totalement en partie basse sur l’extérieur).
Cette situation s’appuie sur l’idée de « double face », cette
dernière est prise comme thématique architecturale,
environnementale et fonctionnelle qui pour nous pouvait faire
office :
- d’articulation (passer d’une face à l’autre en changeant
totalement de contexte sonore),
- de limite (jouer avec des micro réglages positionnels sur
les faces),
- d’inclusion (une face prend de l’épaisseur et crée des poches
intérieures dans lesquelles il est possible de s’asseoir).
Chaque côté du dispositif met en relation à des contextes
très différents : intériorité de la halle, extériorité du paysage
environnant. Cette thématique est transférable à toute
peau architectonique se situant entre des milieux de nature
différente (ou que l’on souhaite différencier).
Dimensions et matériaux
La longueur totale du dispositif expérimental se situe autour
de 10 à 12 mètres, sa hauteur ne dépasse pas trois mètres
environ, son épaisseur va de 5 cm à 160 cm. La construction
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est constituée de plaques de bois et de montants bois
constituant une ossature minimale. Les matériaux utilisés sont
essentiellement le bois par soucis d’économie et de facilité de
mise en œuvre sachant toutefois que les panneaux employés
de faible épaisseur (15 mm) ne sont pas performants en
3 Husserl insiste sur le rôle fondamental des kinesthèses dans la constitution
du monde et du corps propre Ce serait les conditions minimales indispensables
de la possibilité pour un sujet d’expérience de donner sens au corps propre.
Les kinesthèses déploient des aspects tactiles et moteurs du corps. La
constitution de choses extérieures serait subordonnée à mes kinesthèses.
4 Nous expérimentons ce type de dispositif depuis plusieurs années avec Philippe
Liveneau dans le cadre d’un programme appelé « dispositif ambiant multimodal »,
à l’école d’architecture de Grenoble et aux ateliers de l’île d’Abeau.
Coupe de l’architecte des ateliers montrant le niveau du « quai »
(environ à moins 4 mètres) par rapport à la voirie et schématisant
les sources sonore (circulation de moyenne importance). L’espace
dans lequel nous avons installé le « prototype » est une esplanade
encastrée dans le sol. La flèche indique la position du dispositif
expérimenté contre le profil du bâtiment auquel il s’adosse.
5 Le chantier de la réalisation expérimentale effectuée aux GAIA a débuté le 21
Mars 2003. Le dispositif a été finalisé en 5 jours. La construction a été réalisée par
le groupe des 6 étudiants de 5 ème année de l’école d’architecture de Grenoble.
La conception proprement dite et la construction du dispositif ont été menées
sous la conduite de G. Chelkoff et P. Liveneau dans le cadre d’un atelier de 5 ème
année de l’école d’architecture de Grenoble. Les six étudiants (Juliette Rault, Julien
Plessis, Lydie Menet, Romuald Morel, Xiaoshan Guo et Gaëlle Perrin) ont contribué
à concevoir la forme construite de manière collective et l’ont réalisée ensemble.
Le suivi de la mise en forme a été particulièrement assuré par Philippe Liveneau,
architecte, enseignant à l’école d’Architecture de Grenoble..
Approche écologique de kinesthèses sonores : expérimentation d’un prototype d’abri public et ergonomie acoustique