Echo Bruit
n° 120
03.2008
g
Écho des villes
20
le magazine de l’environnement sonore
Dans la zone du Grand-Caire, les
sources de pollution sonore sont
multiples : klaxons utilisés sans
modération, cris des marchands
ambulants, hauts parleurs des appels à
la prière, et les échoppes, les garages
et les petites fabriques placées au cœur
des zones d’habitation, notamment
dans les quartiers populaires. Magued
Georges, ministre de l’Environnement a
annoncé le lancement de la campagne
en coopération avec 9 ministères
directement ou indirectement concernés,
à savoir les ministères de l’Intérieur, de
l’Habitat, des Waqfs, de l’Information,
du Tourisme, de l’Éducation, de
la Santé, de l’Aviation civile et du
Transport. Ainsi, un comité a été formé
regroupant des représentants de ces
ministères pour préparer une carte de
la pollution sonore du Grand-Caire (Le
Caire, Guiza et Qalioubiya). Le réseau
de mesure comprendra 20 stations fixes
et 2 mobiles dans la région du Grand-
Caire, dont 5 seront installées sur les
grandes places comme Tahrir, Ataba,
Ramsès, Roxy et l’Opéra. Un budget de
4,1 millions de Livres Égyptiennes (L.E.).
a été alloué à ce projet.
Parallèlement, des stratégies seront
mises en œuvre pour faire respecter
la loi. En effet, la loi 4 de l’année
1994, impose diverses sanctions
aux contrevenants, et est rarement
appliquée. Aussi, il est prévu de lancer
des campagnes d’inspection à l’intention
des établissements industriels et des
lieux de divertissement.
Les propriétaires des usines qui
transgressent la loi sont d’abord avertis,
puis après un délai d’un mois, ils seront
sanctionnés. Ils devront verser une
amende allant de 1 000 à 20 000 L.E., et
en cas de récidive, ils risquent une peine
de prison allant de 24 heures à trois ans.
Ambiances sonores
du Caire :
L’espace public du Wast el-balad*
La sonorité d’un lieu découle, non seulement, des
activités menées en son sein (définition passive),
mais peut être également une construction
collective volontaire, et une composante essentielle
d’appréciation d’un espace par ses usagers.
Au sein
du Caire et de sa « gangue sonore », le Wast el-balad,
le centre-ville XIX
e
siècle, possède dans le tissu urbain
de la mégapole une identité spécifique attribuée par
les citadins. Abordée en termes écologiques, la ville est
un ensemble de territoires spécialisés faisant système
et ce quartier central a alors ses propres fonctions :
aujourd’hui, plus qu’un quartier de résidences oumême
de pouvoir, il est « l’ancien quartier de la bourgeoisie »,
et c’est à ce titre qu’il est massivement investi par les
promeneurs des classes moyennes et populaires.
Loin
de ne tenir pourtant que de l’anecdotique ou d’un
simple arrière-plan sonore, l’ambiance est précisément
la qualité première invoquée par les citadins pour
expliquer leur déambulation ici et non ailleurs, justifier
leur appréciation des lieux.
L’ambiance, dont la composante sonore est essentielle
au Caire, est une part objectivée de la « beauté »
d’un espace urbain. Que cet espace soit structuré
en fonction du végétal (jardins publics) ou minéral
(centre-ville), ce qui importe est « l’âme » des lieux,
qui ne se manifeste que par la coprésence d’autres
humains, émetteurs sonores.
Dans Le Caire des sorties, l’ambiance ne « fonctionne »
que si la densité est aussi élevée que dans son quartier
d’origine populaire. Vrai paradoxe, ces ambiances
urbaines quasi-agrestes (on pique-nique sur les bancs,
sur des ronds-points) se créent au sein même et sans se
soustraire et s’abstraire d’un environnement saturé de gens, d’odeurs, de pollutions urbaines… et de
sons. En fait, les promeneurs viennent ici apprécier l’ambiance urbaine, prendre part au spectacle que
la ville engendre en se regardant elle-même, en s’entendant elle-même. Le paysage sonore du centre-
ville a alors sa propre signature. Cette signature est analysable, décomposable, mais c’est le rendu
d’ensemble qui prend sens. Le principe qui semble le mieux régir la politique populaire de la sonorité
est celui de la saturation à l’instar des fêtes de mariages populaires et des mouleds où les musiques
électroamplifiées (aux effets électroacoustiques évités ailleurs qu’en Égypte) emplissent volontairement
les airs, sans partage. Aux moments exceptionnels de fêtes, bien entendu, répondent des moments
plus quotidiens, où la saturation sonore est moindre mais la signature toute aussi évidente à chacun.
Comment qualifier ces espaces sonores, comment les analyser, que peut-on dire de leur production et
des normes qui les régissent ? et, si les ambiances sonores peuvent être décrits comme des décors de
l’instant, quels jeux d’acteurs permettent-ils alors ?
Pour en savoir plus, écoutez la conférence de Vincent Battesti, anthropologue sur le thème des paysages
sonores et des espaces publics du Caire sur http://anthropoasis.free.fr
Cette conférence a été donnée dans le cadre du Colloque « Accords et à cris », Études pluridisciplinaires
sur la sonorité. Organisé par l’Association Shadoc - UFR Sciences humaines et Arts de Poitiers.
Les 5 et
6 décembre 2007 à la Maison des Sciences de l’Homme et de la Société à Poitiers.