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Perception sonore de la variabilité de positionnement d’un casque audio
9 dB au-delà de cette fréquence. Kulkarni et Colburn
[5] ont mesuré un écart-type de 9 dB entre 9 et 14 kHz
pour des HPTF issues de 20 positions de casques sur
un mannequin.
La perception spatiale d’une scène sonore est suscep-
tible d’être altérée si les indices de localisation sont
modifiés. La variabilité des délais de groupes des HPTF
étant inférieure à la plus petite différence interaurale de
temps (ITD) audible, les conséquences perceptives de
la variabilité des HPTF seraient plutôt dues à des modi -
fications spectrales. D’ailleurs, Kulkarni et Colburn [5]
et McAnally et Martin [4] ont indiqué que les HPTF et les
HRTF présentaient des pics et des creux dont l’ampli -
tude était du même ordre. Martin et coll. [6] ont observé
les performances de localisation de sujets utilisant un
casque compensé individuellement, à partir d’une mesure
unique de HPTF (pour une seule position de casque).
Les performances des sujets étaient aussi bonnes qu’en
champ libre, et identiques pour 8 positions différentes
de casque (pendant le test perceptif). Ainsi la position
du casque semble avoir une influence négligeable sur
une tâche de localisation.
La variabilité des HPTF (caractérisés en hautes fréquen-
ces par des pics et creux à fort coefficient de qualité)
est susceptible d’être réduite lors du passage d’un signal
dans les filtres cochléaires. McAnally et Martin [4] ont
utilisé un modèle de filtre cochléaire et ont montré que
l’amplitude de HRTF filtrés était considérablement supé-
rieure à l’amplitude de HPTF filtrés. Ils ont ainsi suggéré
que l’information spectrale utilisée par un auditeur pour
localiser un son n’était pas masquée par la variabilité
des HPTF.
Même si la variabilité des HPTF ne semble pas dégrader
les performances de localisation, celle-ci pourrait être
perçue par d’autre biais. Par exemple, en audiologie,
Green [7] a observé des variations des seuils audiométri-
ques de l’ordre de 15 dB suite à des mauvais placements
du casque sur les oreilles de patients. Par ailleurs, des
modifications de timbre pourraient aussi être perçues. En
effet, Bücklein [8] a indiqué que des pics ou creux isolés,
assez similaires à ceux qui sont observés dans les HPTF,
étaient audibles.
Le but de cette étude est d’évaluer l’audibilité de varia-
tions spectrales dues à des changements réalistes de
positions de casques. Il n’est pas possible de mener une
expérience en aveugle en replaçant in situ (pendant le test
perceptif lui-même) les casques. Ainsi, comme dans de
nombreux tests de comparaison d’enceintes [9,10], l’ex-
périence a été menée en deux étapes : dans un premier
temps des sons issus de différentes positions de casques
ont été enregistrés, et dans un second temps, ces sons
ont été rejoués sur un casque fixe. Ainsi nous avons
diffusé des extraits sonores (musique et bruit rose) sur
quatre casques, repositionnés chacun à 8 reprises sur
une tête artificielle équipée de microphones en entrée
de conduits bloqués. Les séquences enregistrées sur
la tête artificielle ont ensuite été présentées (avec un
casque unique, fixe et compensé) à des sujets experts,
qui devaient différencier les enregistrements issus des
différentes positions.
Matériel et méthode
Extraits sonores
Trois extraits sonores ont été utilisés :
- Bruit rose – durée 3,5 s
- Ben Harper (album The will to live) : I want to be ready
(piste 6) - durée 5 s (01’40’’ à 01’45’’).
- Leonard Bernstein (avec le Los Angeles Philharmonic
Orchestra) : West side story, Rumble, Molto allegro (piste
10) – durée 4 s (00’54’’ à 00’58’’).
Les deux extraits musicaux ont été découpés à partir d’en-
registrements du commerce (CD : 44 100Hz, 16 bits). Les
trois extraits étaient monophoniques : seule la voie gauche
des enregistrements musicaux a été conservée (le mixage
des deux voies n’étant en général pas recommandé [11]).
Casques
Riederer [12] a montré que la reproductibilité des mesures
de HPTF était meilleure avec des casques circum-auraux
(dont les coussins entourent les pavillons de l’auditeur)
qu’avec des casques supra-auraux (dont les coussins sont
appuyés sur les pavillons).
Dans cette étude 4 modèles différents ont été utilisés :
A) Sennheiser HD497, supra-aural
B) Sony MDR CD580, circum/supra-aural
C) Sennheiser HD600, circum-aural
D) Sony MDR CD2000, circum/supra-aural
Ces quatre casques sont de bonne qualité, notamment les
modèles C et D, régulièrement utilisés par les professionnels
du son et dans des expériences psychoacoustiques.
Les deux casques Sony sont constitués de coussins lais-
sant une large ouverture (cas d’un casque circum-aural),
mais cette ouverture est coiffée d’un très léger tissu (cas
d’un casque supra-aural). Ce tissu épousant le contour du
pavillon de l’auditeur, nous avons considéré ces casques
à la fois circum- et supra-auraux.
Aucun casque fermé n’a été testé car ceux-ci n’auraient
pas permis une prise de son fiable en entrée de conduit
bouché [13].
Enregistrements
Les enregistrements ont été effectués grâce à une tête
artificielle Neumann KU 100 équipée de ses propres micro-
phones, placés en entrée de conduit auditif externe bouché
(mesure dite «conduit bloqué»).
Idéalement, il aurait fallu enregistrer les séquences jouées
dans les casques dans les oreilles des auditeurs partici-
pant aux tests de discrimination ultérieurs. Néanmoins
enregistrer les séquences dans chaque paire d’oreilles
compliquait énormément l’expérience, pour un gain poten-
tiellement faible. En effet, Møller et al. [13] ont montré que
les positionnements des casques étaient plus répétables
lorsque des sujets posaient eux-mêmes les casques sur
leurs propres oreilles ; néanmoins McAnally et Martin [4]
ont indiqué que la variabilité de HPTF mesurées plusieurs
fois en entrée de conduit fermé était très semblable quand
les enregistrements étaient effectués sur des sujets ou
quand ils étaient effectués sur une tête artificielle.
Plusieurs études ont montré les avantages de l’enregis-
trement en entrée de conduit fermé : d’une part, à partir