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BIOACOUSTIQUE
Une méthode acoustique
d’estimation de la densité
d’une population
Des scientifiques viennent pour la première
fois de mettre au point une méthode fiable
et précise pour estimer la densité d’une
population d’oiseaux en se basant sur des
enregistrements de leurs chants. Cette
nouvelle technique, décrite dans le numéro
d’octobre 2009 du Journal of Applied Ecology,
peut également fonctionner avec les cétacés.
Cet article a été visé par le Comité de lecture
virtuel et mis en ligne le 18 décembre 2009.
De nombreuses espèces animales sont
principalement détectées par les sons
qu’elles émettent. Bien que les enregis-
trements des chants, des cris et des
appels soient souvent utilisés pour
évaluer des populations, comme lors
de la méthode des points de comp-
tage ou lors des études des cétacés
avec des hydrophones, il existe peu
de méthodes rigoureuses pour esti-
mer la densité d’une population en utili-
sant des données acoustiques. Il faut
en effet pour cela réussir à surmonter
trois difficultés : pouvoir distinguer les
individus, prendre en compte ceux non
repérés et s’adapter au secteur étudié.
La SECR (Spatially Explicit Capture-
Recapture) permet de résoudre les
deux derniers aspects du problème.
Deanna Dawson et Murray Efford de
l’université d’Otago ont réussi à éten-
dre l’utilisation de cette méthode pour
traiter des signaux acoustiques (chants
et cris) afin de déterminer la densité
d’une population.
Une méthode de capture-recapture
La SECR (Spatially Explicit Capture-
Recapture), comme son nom l’indique,
est une méthode de capture-recapture.
Le principe de ce type de méthode est
le suivant : tirer un échantillon aléatoire
d’une espèce animale, marquer les
animaux tirés au sort puis les relâcher,
tirer un second échantillon en comp-
tant le nombre d’animaux marqués,
puis estimer la population totale en
effectuant une règle de trois.
Pour pouvoir être appliquée, il faut une
indépendance des sources, c’est-à-dire
que la probabilité d’être identifié par une
source doit être indépendante de celle
d’être identifié par la seconde source.
D’autre part, il faut une homogénéité
des captures: pour tous les cas, la
probabibilité d’être identifié par une
même source doit être la même.
Le principe de la SECR
La SECR est une méthode de monito-
ring des populations animales utilisant
des détecteurs. Ces derniers repèrent
un animal à un des moments donnés
(une «occasion»), espacés de façon
régulière.
Tableau 1: Le principe de la SECR.
Les ID représentent les animaux
identifiés, les codes (A9, A12..) sont
des détecteurs placés à des positions
connues. Source: Université d’Otago (NZ)
Nous trouvons dans le tableau 1 un
schéma expliquant le principe de la
SECR:
- chaque détecteur a un code (exem-
ple: A9, A12, C6...) et une position
déterminée
- chaque animal est identifié par un
ID (1, 2..;)
- les occasions se succèdent à des
intervalles de temps réguliers.
Lors d’une occasion, les détecteurs
se déclenchent quand un animal passe
à leur proximité. Chaque entrée (par
exemple A9) représente un appareil
qui s’est actionné au passage d’un indi-
vidu identifié. Un point sur le schéma
indique une absence de détection.
Des entrées multiples sont possibles
quand des animaux passent devant
plusieurs détecteurs (par exemple,
dans le schéma, les animaux 3 et 4
ont déclenché C6 et G3 lors de l’oc-
casion 3).
Le premier objectif de la SECR est
d’estimer la densité d’une population
d’animaux sauvages. Ces deniers sont
supposés être distribués de façon indé-
pendante dans l’espace et occuper des
territoires propres.
Lors d’une méthode conventionnelle
de capture-recapture, le principe est
de suivre un modèle qui comprend à
la fois des paramètres concernant
la population étudiée (taille, ...) et le
processus de détection.
Dans la méthode du SECR, le para-
mètre de base concernant la popula-
tion est sa densité (D) davantage que
sa taille (N). Le processus de détec-
tion est représenté par une méthode
mathématique qui décrit la probabilité
moindre pour un animal d’être détecté
quand le centre de son territoire est
plus éloigné d’un détecteur. La fonction
de détection comprend les paramètres
g0 (interception sonore) et s (échelle
spatiale). Le modèle permet d’obtenir
des estimations de D, g0 et s.
Density 4.4
L’équipe de Murray Efford de l’univer-
sité d’Otago en Nouvelle-Zélande a
développé un logiciel, Density 4.4, qui
permet d’estimer la densité d’une popu-
lation animale à partir de données de
capture-recapture collectées à partir
d’un ensemble de «détecteurs».
Ces derniers peuvent être des pièges
scientifiques (trappes) capturant des
animaux marqués de façon distincte,
des pièges collants, des pièges à dents
qui arrachent des poils au passage d’un
animal (qui est alors identifié par son
ADN), des microphones ou des appa-
reils-photos qui permettent d’identifier
les individus.
Pour télécharger le logiciel Density 4.4:
www.otago.ac.nz/density/download.html
La nouvelle technique acoustique
Deanna Dawson de l’US Geological
Survey explique: «Un son qui se propage
dans une forêt ou dans un autre habitat
laisse une sorte de trace. L’importance
de celle-ci dépend de la vitesse de l’at-
ténuation sonore. Il existe une relation
mathématique unique entre la densité
d’une population et cette vitesse qui
détermine de façon optimale la taille et
l’intensité des sons émis. Nous avons
utilisé des méthodes informatiques pour
découvrir cette combinaison et estimer
la densité des chanteurs».
Occasion
ID
1 2 3
C6 B5
G3
.
F3
4 5
Pas de détection
1
2
3
4
A9
A12 A12
.
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...
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