Page 3 - base

Version HTML de base

2
Démocrite et les débuts de l’atomisme
Vers le V
e
siècle avant notre ère, les théories physiques de
la matière se fondent sur les quatre éléments, la notion de
continuité et la divisibilité infinie de la matière. On retrouve
ces principes chez Anaxagore, ce sera le fondement de la
physique d’Aristote. A côté de cette approche, on voit appa-
raître un courant bien différent qui énonce une description
de la matière fondée sur deux entités, l’atome et le vide.
C’est d’abord Leuccippe, puis son disciple Démocrite qui
en seront les inspirateurs.
Pour les atomistes, la nature est constituée d’assembla-
ges de corpuscules très petits, mais Démocrite admet qu’il
peut en exister de gros, insécables et d’une grande dureté,
qui semblent baigner dans un océan de vide. Ces atomes,
puisque c’est ainsi qu’on les nomme, sont constamment
en mouvement. Leur mouvement est naturel et échappe
à toute autre loi connue que celle de la chute. Ils s’entre-
choquent et leur mouvement devient alors erratique, et se
transforme en tourbillons. Les assemblages d’atomes sont
de combinaisons infinies, et construisent des formes qui
constituent les éléments de la matière. Les interstices entre
les atomes sont «occupés» par du vide, que les corpuscu-
les soient conjoints ou disjoints. La physique atomiste est
une physique du discontinu. Cette théorie, sans doute la
plus originale de l’Antiquité, sera vigoureusement combat-
tue par un grand nombre de philosophes, et notamment
par Platon, qui voulait brûler les livres de Démocrite (ce
qui a probablement été fait plus tard…). Aristote soutient
la continuité de la matière sous les quatre éléments, et sa
divisibilité infinie. Il nie également l’existence du vide, notion
nécessaire à la théorie atomiste, et attaque Démocrite sur
la pesanteur de l’atome, ce qui constitue un argument déci-
sif dont Epicure, successeur de Démocrite, devra prendre
en compte pour consolider la théorie de l’atomisme.
Il est difficile de concevoir l’ensemble du système de
Démocrite, les seuls textes qui nous sont parvenus sont
des commentaires, en général polémiques, d’auteurs
postérieurs comme Aristote ou son disciple Théophraste.
Diogène Laerce donne la liste des ouvrages qu’aurait écrit
Démocrite, parmi lesquels un traité des Causes des sons,
aujourd’hui disparu. Nous ne savons rien de la physique
des sons de Démocrite.
Epicure
On a souvent considéré Epicure comme un fidèle succes-
seur de Démocrite, quoiqu’ayant vécu plus d’un siècle après
lui. Epicure a laissé trois textes qui nous sont parvenus
par Diogène Laerce qui est un historien des philosophes
et des savants de l’Antiquité, du III
e
siècle (de notre ère),
et qui avait accès à de nombreux textes disparus depuis.
Dans une de ces lettres, Epicure expose un abrégé de
sa physique, fondée comme celle de Démocrite, sur la
notion d’atomes. On dispose d’un texte exposant sa théo-
rie du son. L’existence de ces atomes est atypique et elle
permet de résoudre la question de la réflexion des sons,
par analogie avec le choc mécanique. L’infinité des formes
de ces atomes ouvre la voie aux infinités de timbres sono-
res variables dans le temps :
« L’audition a pour cause un courant partant d’un objet,
qui produit soit une voix, soit un son, soit un bruit ou une
affection auditive quelconque. Ce courant se propage par
corpuscules semblables, qui gardent entre eux une certaine
relation et une unité caractéristique, dépendant de l’objet
émetteur et produisant la sensation qui correspond à cet
objet. Cette perception existe du fait de cette impression
venant de l’objet sonore extérieur vers nous. Il ne faut donc
pas s’imaginer que c’est l’air lui-même qui, sous l’effet de
la voix émise ou de phénomènes semblables, forme des
images sonores. Il est loin d’en être ainsi. En revanche, c’est
ce choc qui se fait toutes les fois que nous émettons un
son, qui, par le flux de corpuscules émis dans l’air, consti-
tue ce qui nous procure l’affection auditive. »
Les «grains de son» des atomistes de l’Antiquité
François Baskevitch, docteur en Histoire des sciences,
spécialisé en Histoire de l’Acoustique physique
L’atomisme, dans l’Antiquité, est un courant d’idée scientifique qui décrit la matière sous forme d’un assemblage
de corpuscules en mouvement, noyés dans le vide. Ce courant qui apparaît vers la fin du V
e
siècle avant J.-C.
est représenté par Démocrite (IV
e
siècle avant J.-C., environ 50 ans avant Aristote), Epicure (III
e
siècle avant J.-C.,
peu après Aristote) et Lucrèce (poète romain du I
e
siècle avant J.-C.). La science atomiste a été combattue par
les aristotéliciens, par les stoïciens, et par les religions. On a considérablement déformé la pensée d’Epicure au
point d’en faire le défenseur de la débauche, ce qui est faux. On doit à l’Eglise de Rome cette rumeur diffamatoire
envers un courant d’idées matérialiste qui affirmait l’existence du vide et qui posait un sérieux problème aux
théologiens en ce qui concerne la «transsubstantiation» (transformation du pain et du vin en corps et en sang de
J.-C., dogme défini au concile de Trente en 1551). La théorie physique de l’acoustique des atomistes repose sur
l’existence de flux de corpuscules émis par le corps sonore.