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TRANSPORTS
Réduire le bruit en Europe en
agissant sur les transports
par David Delcampe, European
Environmental Agency
En tant que contributeurs principaux à
l’émission des gaz à effet de serre, les
Transports figurent en haut des préoc-
cupations internationales sur les chan-
gements climatiques. Pourtant, pour
de nombreux urbains habitant sous les
couloirs d’avions ou au voisinage de
grandes routes ou de voies de chemin
de fer, iIs sont liés à une autre émis-
sion qui provoque des dommages plus
instantanés : le bruit.
Heureusement, les impacts à long
terme du bruit des transports sont
loin d’avoir les prévisions apocalyp-
tiques qu’on relie au réchauffement
de la planète. Toutefois, on se rend
compte tout aussi clairement qu’ils
ne seront pas seulement limités à la
gêne ; en effet, comme de plus en plus
de recherches le révèlent, le bruit des
transports peut causer des disfonc-
tionnement du sommeil, des maladies
cardio-vasculaires, des niveaux d’hor-
mones élevés, des problèmes psycho-
logiques ainsi que des morts prématu-
rées. Des études faites sur des enfants
ont identifié des désordres cognitifs,
un comportement déséquilibré et une
qualité de vie diminuée.
Les effets du bruit des transports sont
connus depuis les années 70. Pourtant,
ils n’ont reçu qu’une attention rela-
tive tandis que le public s’intéressait
plutôt à l’impact des transports sur la
pollution de l’air. Peu d’efforts ont été
consacrés à une collecte de données
harmonisées sur le bruit des trans-
ports en Europe.
Toutefois,la situation a changé dernière-
ment. Depuis l’adoption de la Directive
sur le bruit ambiant en 2002, le rapport
TERM 2008 de l’EEA «Transports at a
crossroads» contient une évaluation
des données sur le bruit à l’échelle de
toute l’Union européenne.
Ces conclusions sont une source de
préoccupation : 55% des personnes
vivant dans des agglomérations de plus
de 250 000 habitants dans l’UE des 27
(soit environ 67 millions d’habitants) souf-
frent quotidiennement du bruit routier
au-dessus de la limite européenne d’ex-
position au bruit (55 L
den
) !
Réduire le bruit sera plus efficace
que réduire le trafic
Si l’étendue du problème est tout à fait
claire, la réponse réglementaire appro-
priée l’est beaucoup moins. A première
vue, la solution la plus évidente serait
de réduire le volume du trafic. Ceci
aborderait le problème de la pollution
sonore, mais également permettrait de
réduire les émissions de gaz à effet de
serre et la pollution de l’air. Toutefois,
ceci présente des limites pour dimi-
nuer le bruit de manière significative.
Par exemple, réduire le nombre de
voitures sur des routes sur lesquel-
les roule une grande proportion de
camions et de bus, n’a qu’un faible
impact sur le niveau sonore total du
trafic parce que le bruit des voitures
est largement masqué par celui des
véhicules plus lourds. Pour être effi-
cace, la première cible devra donc être
les véhicules les plus bruyants. Par
contre, sur les routes où les véhicules
produisent quasiment le même niveau
sonore (comme la plupart des voitures),
une réduction du trafic de 40% serait
nécessaire pour commencer à perce-
voir une réduction du bruit.
D’autres solutions comme la construc-
tion de nouvelles routes éloignées des
habitations devraient présenter quel-
ques maigres avantages mais exacerber
d’autres problèmes environnementaux.
Réduire le trafic sera manifeste-
ment crucial dans la lutte contre les
nombreux impacts des transports sur
l’environnement.
Les décideurs doivent donc identifier
des mesures coût-efficacité complé-
mentaires qui réduiront tout d’abord
le bruit à la source (tout en gardant
à l’esprit la possibilité d’atténuer ou
d’augmenter les autres impacts des
Transports sur l ’environnement).
Heureusement, de nombreuses mesu-
res sont déjà disponibles comme :
- Des améliorations techniques sur
l’aérodynamique et les composants
des véhicules et des aéronefs comme
les pneus à faible bruit, les roues des
trains, les blocs de freinage, et les
trains d’atterrissage ;
- Des améliorations sur les infrastructu-
res, comme des revêtements routiers
et des rails de chemin de fer à faible
émission sonore ;
- Une planification urbaine qui limite
les empiètements proches des routes,
des voies de chemin de fer ou des
aéroports à gros trafic et qui régle-
mente l’emplacement, la disposition et
la qualité acoustique des bâtiments ;
- Des techniques de gestion de trafic,
comme ralentir la circulation, contrô-
ler la vitesse des véhicules routiers,
et des procédures d’atterrissage à
moindre bruit ;
- Réduire les accès aux véhicules et
avions les plus bruyants (notamment
la nuit) ;
- Des écrans acoustiques et des isola-
tions sonores des logements (même si
on l’utilise seulement comme dernière
solution parce que ces mesures sont
relativement coûteuses).
Des réglementations intégrées
s’imposent
Des mesures réglementaires et des
mesures économiques doivent être
utilisées ensemble pour fournir aux
constructeurs, planificateurs, consom-
mateurs et fournisseurs de services,
les bonnes incitations pour adopter
ces nouvelles technologies et prati-
ques. Ceci pourrait être basé sur des
normes de bruit de véhicules ou une
labellisation de produits (par exemple,
une réduction d’impôts liée à un label
Bruit des pneus).
Des amendes et des subventions
peuvent aussi inciter à réduire le bruit,
tout en aidant les victimes de la pollu-
tion sonore à prendre des mesures
pour se protéger elles-mêmes.
Une expérience dans le domaine du
transport aérien illustre bien cette
idée :
Vivre au-dessous d’un couloir aérien
peut être très bruyant ou devenir très
bruyant si les voyages en avion conti-
nuent d’augmenter. L’ACNUSA, auto-
rité indépendante créée en 1999, est
chargée en France de faire respecter
les niveaux sonores et les horaires de
départ par les compagnies aériennes
et de condamner celles qui n’auraient
pas respecté les restrictions dues au
bruit à proximité des 10 plus grands
aéroports français.
Les amendes récoltées à destination
des riverains, veulent dire que les
compagnies aériennes et leurs clients
sont contraints d’assumer une partie
des coûts sociaux liés aux voyages en
avion, lesquels sont rarement répercu-