38
Spécial “ Acoustics’08 ”
Acoustique
&
Techniques n° 53
Problèmes d’acoustique rencontrés dans le
secteur audition
Par essence, l’audition est un domaine carrefour : il s’agit
de l’un des cinq sens qui permet au cerveau de recevoir des
informations du monde physique extérieur. Ces informations
audibles sont véhiculées sous forme d’ondes de pression
qui se propagent dans les milieux où se trouve l’individu qui
les perçoit. Les cellules sensorielles hébergées par l’organe
détecteur codent ces informations pour leur permettre d’être
analysées par le cerveau. Celui-ci en extrait la signification
(par exemple, en relation avec la nature et la position dans
l’espace de la ou des sources à l’origine des ondes de
pression) et de manière ultime, programme et exécute une
réponse appropriée.
Chez l’homme en particulier, l’audition donne accès à une
dimension supplémentaire, celle de la communication parlée
au moyen d’une langue orale. Cette langue est liée à l’audition
de manière privilégiée. Le Groupement des acousticiens
de langue française (GALF), puis la Société Française
d’Acoustique (SFA), en ont rendu compte en associant
temporairement au sein d’un groupe unique audition et
communication parlée, puis audition et phonation.
En l’absence d’audition, un bébé ne peut pas acquérir sa
langue maternelle orale. Toutefois, il faut mettre à part le
cas particulier du bébé sourd né de parents maîtrisant une
langue des signes, et chez qui le sens de la vue pallie le
déficit auditif pour donner accès à une langue gestuelle ;
Il pourra acquérir ce langage tout aussi naturellement qu’une
langue orale grâce au contact visuel de ses parents signeurs.
Chez de nombreuses espèces animales, l’audition donne
également accès à un mode de communication privilégié,
même s’il est considérablement moins riche que celui basé
sur une langue. La dimension communication est essentielle
en acoustique physiologique et en médecine, puisque c’est
sa perte ou son altération qui confère à la prise en charge
des surdités son côté pressant, encore souvent négligé.
Historiquement, Physique, Acoustique, Physiologie et
Médecine audiologique ont beaucoup interagi, depuis au
moins un siècle et demi. Des pionniers comme Helmholtz
et sa publication princeps sur le codage des sons dans la
cochlée (partie de l’oreille interne dédiée à l’audition), Lord
Rayleigh et sa théorie duplex de la localisation binaurale,
von Békésy et son analyse de l’onde propagée et des
mouvements de la membrane basilaire de la cochlée,
Stevens et ses études psychophysiques, Kemp qui, relisant
en 1977 la suggestion de Thomas Gold en 1948, a illustré
l’existence dans la cochlée d’un amplificateur à boucle de
rétrocontrôle régénératrice, sont tous partis d’analyses
physiques et acoustiques pour élucider une question d’ordre
physiologique avec des implications médicales.
Les échanges entre Acoustique et Physiologie ont toujours
été alternés, plus que bilatéraux peut-être. Les premières
approches fructueuses sont venues des acousticiens qui,
armés de leur expérience de l’Acoustique, ont tenté de
les appliquer à élucider le fonctionnement de l’Audition.
Helmholtz, Békésy et Gold en sont les plus représentatifs,
selon le scénario suivant : on connait un principe physique
important, celui de résonance, qui semble apporter une
réponse parfaitement appropriée à une question de
Physiologie, celle de la capacité de l’audition à discriminer
les sons selon leur fréquence. On démontre qu’en effet
c’est ce principe qui agit dans l’oreille saine, grâce à
l’établissement d’ondes le long de la cochlée, et surtout,
grâce à une résonance active. Mais cette activité est fragile,
vulnérable et son atteinte engendre une surdité. Ce courant
de pensée existe encore, mais l’approche des questions
physiologiques a connu une diversification considérable
depuis environ 15 ans et fait moins appel à l’acoustique
L’audition comme domaine d’application de
l’acoustique (à la physiologie, à la médecine,
à la prévention et à la réhabilitation des surdités)
Paul Avan
Université d’Auvergne (Clermont I)
28, place Henri Dunant
BP 38
63001 Clermont-Ferrand
E-mail : Paul.Avan@u-clermont1.fr