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Spécial “ 5es Assises sonore ”
33
Acoustique
&
Techniques n° 51
Calcul prévisionnel du bruit en milieu urbain : limites des approches actuelles et perspectives
ou même de l’encombrement, sur la prévision acoustique
en milieu urbain. Enfin, ceci nous amènera alors à
suggérer dans un troisième temps, des méthodes
alternatives de prévision acoustique sans doute plus
adaptées au milieu urbain.
Limites des approches actuelles
Les méthodes «classiques» de prévision acoustique
en acoustique architecturale et urbaine
La modélisation des champs sonores en acoustique
architecturale et urbaine est à l’origine d’un nombre
considérable d’études, d’abord initiées dans le cadre
de l’acoustique des salles (dès les années 1900), puis
étendues plus tardivement au cas de l’acoustique urbaine
(à la fin des années 70). Dans chacun des cas, l’objectif
de ces études a été de proposer un ou plusieurs modèles
de prévision acoustique, ou, de manière plus aboutie,
permettant de simuler virtuellement l’acoustique d’un lieu
(auralisation acoustique). Plusieurs approches ont ainsi été
proposées [4,5] :
- Les méthodes
de résolution de l’équation des
ondes et de décomposition modale
[5], bien que
permettant une approche analytique exacte en théorie,
sont difficilement applicables dans la majeure partie des
situations courantes. En effet, cette démarche qui consiste
à résoudre l’équation de propagation ou à décomposer
le champ sonore sur les modes propres du milieu de
propagation, ne peut être utilisée en pratique que pour des
géométries simples (domaine rectangulaire), fermées (pas
d’ouverture ou de couplage entre les domaines), vides
et avec des caractéristiques d’absorption et de réflexion
uniformes au niveau des surfaces (parois, façades, sol),
ce qui n’est évidemment pas le cas en réalité, que ce soit
pour une salle «usuelle» ou pour une rue, par exemple.
- Par ailleurs, les méthodes numériques fondées sur
les
éléments finis
ou les
éléments de frontière
,
pour la résolution numérique de l’équation d’onde ou
de sa forme intégrale [6], et qui consistent à mailler le
domaine d’étude ou sa surface, pour ensuite calculer le
champ sonore en chaque nœud du maillage deviennent
inapplicables à l’échelle d’une salle et encore moins, à
l’échelle d’une rue. Ceci est notamment vrai en haute
fréquence où les longueurs d’ondes sont très petites
par rapport aux dimensions du milieu de propagation.
Des conditions de convergence des résultats imposent
en effet que la distance entre deux nœuds du maillage
soit de l’ordre du dixième de la longueur d’onde, ce qui
a pour conséquence d’imposer un nombre considérable
de nœuds, et d’entraîner des temps de calcul de
l’ordre de plusieurs jours à plusieurs semaines, suivant
l’étendue du domaine d’étude ! De nouvelles méthodes
numériques, permettant de prendre en compte certains
phénomènes propagatifs complexes, ont également vu
le jour, comme les méthodes des différences finies dans
le domaine temporel (FDTD) [7] [10], particulièrement
adaptées au milieu urbain. Bien qu’elle ne repose pas
réellement sur la résolution de l’équation des ondes
mais plutôt sur une équivalence physique, on citera
également la méthode des lignes de transmission (TLM)
[8,9], dont l’application à l’urbain semble intéressante.
Le principal intérêt de ces «nouvelles» méthodes repose
sur le mode de résolution dans le domaine temporel,
plutôt que dans le domaine fréquentiel, ce qui permet
de considérer réellement la propagation acoustique
comme un phénomène variable et non comme un
phénomène stationnaire. Nous reviendrons plus loin
sur ces méthodes.
-
La théorie statistique de la réverbération
(également
appelée «théorie de Sabine», ou encore «théorie des
champs diffus»), dont les fondements datent des travaux
de W. C. Sabine [11] couramment employée en acoustique
des salles. A la différence des méthodes précédentes à
caractère «ondulatoire», cette approche est énergétique.
Elle décompose la densité d’énergie totale du champ
sonore en deux parties : le champ direct, résultant du
rayonnement direct de la source, et le champ réverbéré
résultant des multiples réflexions du son sur les parois
du domaine. Par construction, la théorie classique de la
réverbération impose l’uniformité de la réverbération et
l’absence de flux d’énergie dans l’ensemble du milieu de
propagation. Autrement dit, l’énergie sonore et la durée
de réverbération sont uniformes en tout point du domaine
étudié. Ces considérations permettent d’exprimer le
temps de réverbération et l’énergie du champ réverbéré,
sous forme d’expressions analytiques simples, parmi
lesquelles les formules de Sabine et d’Eyring bien connues.
Malheureusement, cette hypothèse dite de champ diffus
n’est pas vérifiée en pratique, dès lors que la forme
du milieu de propagation n’est plus homogène (formes
allongées, comme des rues, des couloirs, des locaux plats)
et que l’absorption acoustique devient importante et non
uniforme. De plus, la théorie de la réverbération s’applique
très mal aux géométries présentant des ouvertures, et en
particulier au cas du milieu urbain.
-
La méthode des sources-images
[11,12], issue de
l’acoustique géométrique
2
, permet de calculer la densité
d’énergie sonore dans un milieu de forme complexe et
repose sur une analogie avec les rayons lumineux. Il
s’agit là encore d’une approche énergétique, fondée sur
la construction de sources virtuelles, images de sources
réelles, simulant l’effet des réflexions successives de
l’énergie sonore sur les parois de l’enceinte. La contribution
énergétique de chaque source-image en un point donné
est celle habituellement rencontrée dans le cas de la
propagation en champ libre, pondérée par le coefficient
d’absorption des parois considérées. Cette approche,
principalement numérique, est néanmoins réductrice dans
la mesure où les réflexions sur les parois du domaine sont
traitées intégralement de manière spéculaire (angle de
réflexion égal à l’angle d’incidence), alors que de nombreux
auteurs ont montré l’importance des effets des réflexions
diffuses dans le calcul du champ sonore [13,14] et dans
les procédures liées à l’auralisation [15], en acoustique
architecturale comme en acoustique urbaine.
1- La NMPB 96 est un sous-ensemble de la méthode française
normalisée : «NF S31-133:2007 Acoustique – Bruit des infrastructures
de transports terrestres – Calcul de l’atténuation du son lors de sa
propagation en milieu extérieur, incluant les effets météorologiques».
2- Les hypothèses de l’acoustique géométrique stipulent que les ondes sonores
se déplacent le long de rayons sonores, le plus souvent en ligne droite avec une
célérité du son constante. Chaque rayon sonore est porteur d’une intensité sonore
qui décroît avec l’inverse au carré de la distance de propagation, de manière à
simuler la divergence géométrique de l’onde sonore.