14
Spécial “ 5es Assises sonore ”
Acoustique
&
Techniques n° 51
Influence des fluctuations des conditions météorologiques sur la dispersion des niveaux sonores
Seule cette dernière échelle permet de décrire complètement
la situation sonore d’un site. Bien évidemment, elle est
généralement inaccessible à la mesure et ne peut qu’être
approchée à l’aide d’échantillonnage sur des périodes
plus brèves de court et moyen terme. Le processus
d’échantillonnage mis en œuvre ne concernant, par définition,
qu’un nombre restreint de situations météorologiques, il
s’ensuit inévitablement une incertitude sur l’estimation du
niveau sonore qu’il soit mesuré ou calculé.
Le niveau sonore à grande distance doit être représenté à
l’aide de descripteurs statistiques pertinents. La fonction de
répartition permet, par exemple, de déterminer la probabilité
de dépassement de la valeur particulière d’un niveau sonore et
d’associer un intervalle de confiance à son résultat de mesure
ou de calcul.
Une mesure unique peut être considérée comme un
échantillonnage de la fonction de répartition théorique. Cette
valeur est aléatoire et dépend des conditions météorologiques
particulières présentes au moment de cet échantillonnage.
Si l’on ne prend aucune précaution particulière, le résultat de
la mesure pourra se situer n’importe où dans l’intervalle de
variations considéré. La solution préconisée actuellement par
les principales normes de mesurage en milieu extérieur (voir
par exemple les normes NFS 31-085 ou NFS 31-010) est de se
placer lors des mesures dans les situations météorologiques
engendrant le moins de dispersion possible sur les niveaux
sonores de manière à réduire l’intervalle de confiance, sans
toutefois être capable de le quantifier.
Caractérisation des fluctuations temporelles des
niveaux sonores
Les paragraphes suivants présentent deux types
d’approche qui peuvent être adoptées pour appréhender les
caractéristiques statistiques des fluctuations temporelles
des niveaux sonores : la première est basée sur l’observation
expérimentale (acoustique et météorologique), et concerne
surtout les échelles de court ou moyen terme, la deuxième
est basée sur la modélisation numérique à partir de données
météorologiques de long terme.
Méthodes expérimentales
L’approche expérimentale est indispensable pour identifier
clairement les phénomènes physiques mis en jeu ainsi que
leurs interactions, aussi bien spatiales que temporelles.
Parmi les campagnes expérimentales de grande envergure
de ces dernières années, on peut citer celles qui sont mises
en œuvre au sein des Laboratoires des ponts et chaussées
[4,5] et qui ont permis d’aboutir à la méthode d’ingénierie
réglementaire de calcul du bruit routier [6]. Plus récemment,
la campagne mise en œuvre en 2005, grâce à la collaboration
d’EDF, de la SNCF, du LCPC et de l’ECL, sur un site expérimental
à Lannemezan (65) [2] a consisté à mesurer en continu, durant
3 mois, le niveau sonore généré par une source ponctuelle
stationnaire, ainsi que les grandeurs météorologiques et les
caractéristiques d’absorption du sol, en un grand nombre
de points d’observation (distance, hauteur, direction de
propagation, …). De par sa durée et la variété des situations
météorologiques rencontrées, cette campagne a permis
de fournir une importante base de données dans laquelle
sont répertoriées conjointement les mesures acoustiques,
météorologiques et d’absorption du sol au cours du temps.
Une analyse croisée des différentes grandeurs permet de
dégager leur influence respective sur les niveaux sonores,
en particulier au cours du temps. On peut également citer la
campagne mise en œuvre dans le cadre du projet européen
HARMONOISE qui a consisté à mesurer des caractéristiques
météorologiques durant différentes périodes allant de 1 mois à
3 mois sur deux sites en Allemagne [7] dans le but de dégager
une classification de conditions météorologiques affectant la
propagation acoustique.
Cependant, ces campagnes expérimentales de grande
envergure présentent l’inconvénient d’être forcément limitée
dans le temps à cause des échelles de temps de long terme
mises en jeu. Afin de pallier cet inconvénient, le LCPC s’est
doté en 2001 d’un site expérimental à Saint-Berthevin (53),
baptisé «Station de Long Terme» et dédié à l’observation à
long terme [8]. Cet outil permet d’acquérir simultanément un
grand nombre de données trafic/acoustique/météo en continu
sur plusieurs années et d’étudier les relations statistiques
spatio-temporelles qui existent entre ces grandeurs. Ce site
présente en outre le double intérêt d’être de topographie
complexe (vallée traversée par un viaduc routier) et d’offrir la
possibilité d’y étudier également les sources sonores d’origine
ferroviaire.
Méthode numérique
Une méthode numérique a été mise au point au sein
du réseau des Laboratoires des ponts et chaussées en
collaboration avec l’INRA [9], afin de pallier l’incapacité des
méthodes expérimentales à donner accès à des grandeurs
de long terme, dont l’échelle de temps est de l’ordre de
plusieurs dizaines d’années. La méthode permet, à partir
de données météorologiques standards mesurées dans
des stations de Météo France, de calculer le niveau sonore
LAeq (1h) sur des durées jusqu’ici inaccessibles à la mesure
(par exemple : 30 années d’observation). Son principe est
le suivant : des résultats de mesures météorologiques
de longue durée (rayonnement, précipitations, vitesse
et directions du vent, …) alimentent un modèle micro
météorologique permettant de reconstituer les profils
verticaux de vitesse du vent et de température à l’échelle
micro climatique [10]. On obtient ainsi la série horaire de
gradients verticaux de température et de vitesse de vent,
puis celle du gradient vertical de célérité acoustique.
En utilisant un modèle de propagation acoustique capable
d’appréhender un milieu de propagation inhomogène [11], la
série temporelle de gradient vertical de célérité acoustique,
associée aux informations acoustique et géométrique de la
source sonore et du récepteur, permet d’obtenir une série
chronologique de niveaux sonores horaires sur une période
représentative de celle du long terme (comme 30 ans, soit
254 208 échantillons). Les résultats obtenus peuvent alors
faire l’objet des analyses statistiques appropriées (voir Figure
2 et Figure 3 par exemple).
Le cœur de la méthode a été mis au point pour une source
ponctuelle, mais des développements pour toute source
pouvant être discrétisée à l’aide de sources ponctuelles
(source linéique par exemple) ont également été menés.