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Spécial “ Acoustique sous-marine ”
Acoustique
&
Techniques n° 48
Les sondeurs multifaisceaux fonctionnent le plus souvent selon
la technique dite des « faisceaux croisés » : une impulsion
sonore est émise au travers d’un lobe d’émission étroit dans
la direction longitudinale (de l’ordre de 1°) et large dans la
direction transversale (de 120° à 150°). La réception se fait à
l’aide de faisceaux étroits dans le plan transversal (de l’ordre de
0,5° à 3°). Pour chaque faisceau de réception, la zone du fond
explorée (« pied de faisceau ») est donnée par l’intersection
entre le lobe d’émission et le faisceau de réception.
Cette méthode implique une antenne d’émission longue dans le
sens longitudinal et étroite transversalement, et l’inverse pour
l’antenne de réception. Pour les sondeurs haute fréquence,
les géométries d’antennes peuvent être différentes, la même
antenne pouvant servir en émission et en réception.
Pour chaque faisceau, le système mesure la distance oblique
navire/fond à un angle donné et en déduit la profondeur locale
(mesure de bathymétrie). Les sondeurs multifaisceaux sont de
plus capables d’exploiter l’amplitude du signal rétrodiffusé de
façon à déterminer la réflectivité du fond (imagerie sonar).
La mesure bathymétrique par les sondeurs multifaisceaux
est effectuée à angle donné (celui imposé lors du pointage
des faisceaux). À l’intérieur d’un faisceau, le signal, reçu sous
forme d’une série temporelle, est traité de deux manières
différentes :
- Près de la verticale, où les signaux reçus sont très courts, on
effectue une recherche de l’instant d’arrivée du signal à partir
de l’analyse de son enveloppe ; la recherche du maximum ou
du barycentre donne en général des mesures d’une précision
suffisante, d’autant meilleure que les faisceaux sont étroits ;
- En incidence oblique, où l’étalement temporel du signal
interdit une telle détection, on mesure la différence de phase
entre les signaux temporels issus de deux sous-faisceaux
constitués à partir de deux sous-antennes : l’instant où la
différence de phase s’annule correspond à l’arrivée du signal
très exactement dans l’axe de l’interféromètre ainsi constitué
(voir l’article de Llort et al. dans ce numéro d’A&T).
Lamesure d’angle et de temps d’arrivée est ensuite transformée
en estimation de hauteur d’eau locale (ou «sonde») selon le
faisceau considéré. Ce calcul implique de manière impérative
la prise en compte des effets de réfraction des ondes sonores
lors de la propagation dans la colonne d’eau par les variations
de célérité avec l’immersion. Les mesures d’angles étant
effectuées relativement à l’antenne, il importe aussi de corriger
systématiquement les mouvements angulaires du porteur
(roulis, tangage, cap) ainsi que ses mouvements verticaux
(pilonnement). La précision de mesure bathymétrique obtenue
par les meilleurs sondeurs actuels peut atteindre 0,1 % de
la hauteur d’eau. Les données sont finalement mises sous
une forme géoréférencée, à l’aide des données issues des
centrales de navigation et d’attitude, afin de constituer des
cartes du relief sous-marin.
Après compensation de divers effets liés à la propagation dans
l’eau et à la dépendance angulaire de la rétrodiffusion par le
fond, la mesure de l’amplitude des signaux temporels reçus
dans les faisceaux permet, en corrigeant des caractéristiques
d’émission-réception du sondeur (sensibilité des transducteurs
et de l’électronique, fonctions de directivité), d’accéder à
l’indice de rétrodiffusion du fond. Cet indice étant fortement
corrélé à la nature du fond, on peut ainsi réaliser des cartes
de réflectivité très informatives de la répartition des types
sédimentaires. Ces cartes d’imagerie viennent idéalement
compléter la cartographie du relief.
La tendance permanente des sondeurs multifaisceaux est
à l’augmentation du nombre de sondes simultanément
disponibles, et l’amélioration de la résolution des faisceaux
(3 500 sondes par fauchée dans le récent Reson Seabat 7150,
avec des faisceaux de 0,5° à 24 kHz) ; toutefois d’autres
technologies sont aussi possibles, privilégiant la détection de
sondes multiples à l’intérieur d’un nombre limité de faisceaux
(voir l’article de Llort et al.).
La technologie des sondeurs multifaisceaux, jusqu’ici limité
à la cartographie des fonds, peut aussi être appliquée à
l’investigation de la colonne d’eau. Un prototype de sondeur
multifaisceau halieutique (70-120 kHz, 45 faisceaux de 2°
formés par une antenne matricielle de 800 capteurs) a été
construit récemment par la société SIMRAD pour l’IFREMER, et
est actuellement en essais sur le NO Thalassa. Un tel système,
très innovant, permet une investigation de la structure spatiale
des bancs de poissons (fig. 13), et donc une estimation de
la biomasse, beaucoup plus riches que celles obtenues avec
les sondeurs monofaisceaux classiques (fig. 12).
Fig. 10 : Représentation 3-D de la bathymétrie mesurée au
sondeur multifaisceau 12 kHz sur la zone comprise
entre la Libye et la Crête (environ 250 x 200 kms)
Fig. 11 : Donnée d’imagerie correspondant à la figure 11,
drapée sur la bathymétrie 3-D. Les teintes sombres
correspondent à de fortes réflectivités
Les équipements acoustiques des navires océanographiques