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Spécial “ bruits de chantier ”
Acoustique
&
Techniques n° 46-47
C’est sans doute à ce stade que l’expert doit asséner
la question essentielle en vue d’un éventuel procès et qui
concerne tant le MOV, les MOE, que les entreprises : « Aurait-
on procédé différemment en l’absence de voisins ? ».
Donner un avis sur la gêne sonore
Préciser quelles sont les tolérances admises
Donner un avis permettant d’apprécier l’anormalité du
trouble
Il convient de rappeler que le trouble anormal est une notion
de droit réservée souverainement au juge.
On doit retenir de certaines décisions que l’anormalité vise le
trouble et non le dommage, autrement dit que le trouble doit
être examiné en tant que tel, comme atteinte à la jouissance,
en comparaison des conditions habituelles du site et non de
celles d’une activité de chantier.
D’autres décisions rappellent que le trouble d’un chantier est
inévitable et qu’il convient alors de n’apprécier que l’excès de
bruit et sa durée.
La description de l’exposition sonore du voisinage par l’expert
doit donc faire l’objet d’une grande précision afin que le juge
puisse apprécier si le trouble subi relève d’un inconvénient,
d’un désagrément ou occasionne un réel empêchement.
En tout état de cause le juge n’appréciera pas l’anormalité sur
le seul fondement du niveau de bruit, mais sur des critères de
durée, de précautions et de situation.
Dans le cas d’activités de voisinage sensibles, comme celles de
studios d’enregistrement, de cabinets médicaux… il convient
de vérifier si le bruit est seulement de nature à perturber
l’attention ou s’il compromet effectivement l’exploitation.
Ceci permet de retenir que le trouble anormal est toujours
circonstanciel.
On rappelle qu’aucune tolérance en terme de niveau de bruit
ne se trouve réglementairement fixée à l’égard des bruits
de chantier et que s’il est possible de fixer un seuil d’usage
dans le cas d’une activité commerciale ou tertiaire, il serait
anormal dans le cas d’une habitation voisine d’imposer un
seuil d’exposition, même faible, alors que des bruits peuvent
être évités sans contraintes excessives technologiques et
de délai.
À propos de la réglementation il convient également de
rappeler qu’il n’existe pas de lien entre le seuil d’infraction
pénale, et la notion de trouble anormal, puisqu’une activité
peut se trouver en infraction mais ne pas être retenue comme
occasionnant un trouble anormal.
On ne rappellera pas ici qu’à niveau faible, c’est-à-dire pour
des niveaux de bruit ne dépassant pas ceux que l’on produit
couramment soi-même à la maison ou au bureau, la gêne ne
dépend pas de l‘intensité mais de la signification du bruit.
L’expert doit donc tantôt imposer du bruit au voisinage lorsque
les conditions technologiques usuelles ne permettent pas de
l’éviter, quitte à convenir de tranches horaires réalistes pour
que le chantier ne perdure pas, tantôt imposer la tranquillité
du voisinage aux entreprises dès lors que des précautions
peuvent être raisonnablement adoptées, c’est-à-dire sans
contraintes anormalement excessives.
Déterminer les solutions propres à la réduction
des nuisances
Ces solutions sont évidemment multiples et ont pour deux
extrêmes le déplacement des riverains ou l’arrêt du chantier.
C’est précisément l’objet de la mission de l’expert que d’éviter
l’un et l’autre et de maintenir cahin-caha la coexistence des
parties.
Au motif que l’expert se trouve être l’œil du juge, on devrait
dire ici l’oreille, et que le non-respect de ses recommandations
pourra peser lourd dans le procès, il est vrai qu’il dispose d’une
certaine marge de manœuvre pour user tantôt de coercition
à l’égard des constructeurs, tantôt de persuasion à l’égard
des riverains.
Mais contraindre les constructeurs à prendre des précautions
qu’ils affectent de ne pas avoir prévues, et les voisins à
supporter des bruits dont ils se seraient passés, exige un
fort engagement puisque le bon expert est bien celui qui arrive
à mécontenter à la fois les constructeurs et les riverains.
Parmi les solutions propres à la réduction des nuisances, il
apparaît à l’usage que le moyen le plus efficace est la mise en
place d’un téléphone vert permanent permettant aux voisins
d’être renseignés à l’immédiat sur la nature et la durée de la
tâche bruyante, voire de permettre son arrêt et son report
dans les tranches horaires convenues et surtout de pouvoir
libérer leur courroux au moment précis du désagrément.
Considérant qu’un bruit contrôlé, ou dûment renseigné en
temps réel, à pour effet de réduire son niveau (psychologique)
d’au moins 10 dB (, l’expert doit s’assurer personnellement
du bon fonctionnement de la ligne rouge par quelques appels
inopinés au prétexte de vérifier que le cahier de doléances
est bien tenu.
n
La place du bruit dans le référé préventif
CARNET
Le Centre d’information et de documentation sur le bruit change de président
Dominique Bidou
vient de remplacer Jean-Claude Antonini à la présidence du CIDB.
Le nouveau président, ingénieur des Ponts et Chaussées, a été le Délégué à la Qualité de Vie de Brice Lalonde avant de devenir
Président de l’Agence régionale de l’environnement Ile de France (ARENE IdF) puis de l’Association HQE
®
. Jean-Claude Antonini,
maire d’Angers et vice-président du Conseil régional des Pays de la Loire reste Président d’honneur du CIDB.