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Approfondissons…
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Acoustique
&
Techniques n° 44
Basses fréquences en milieu urbain : qu’en
disent les citadins ?
étude des processus de perception de l’environnement
sonore urbain exige la mise en relation de divers domaines
scientifiques issus à la fois de l’acoustique physique
et de la psychologie cognitive afin de caractériser les
phénomènes acoustiques en fonction de propriétés
des sources sonores et des activités des usagers.
En effet, pour mettre en relation de façon pertinente
des paramètres physiques avec les caractéristiques
perceptives, il importe en premier lieu de repérer ce qui,
dans la diversité des types de signaux et des situations,
«fait sens» pour les auditeurs et oriente leurs conduites
de rejet ou d’indifférence. Le point de vue adopté diffère
des enquêtes sociologiques qui permettent de corréler
des comportements moyens de groupes de sujets à des
indicateurs de niveau sonore et de définir des seuils de
gêne, mais dont la nature nécessairement globalisante ne
permet pas d’atteindre et de décrire la grande variabilité de
la perception humaine sous la dépendance des processus
cognitifs individuels d’interprétation du monde sonore. Les
recherches psychologiques et sémantiques, quant à elles
permettent justement de repérer cette variabilité et d’en
analyser la structure sous-jacente.
Nous nous intéressons ici plus particulièrement à la
perception des basses fréquences issues des transports
urbains. Notre contribution est de développer une approche
psycholinguistique, centrée en premier lieu sur l’analyse
des descriptions verbales des usagers en vue d’identifier la
diversité des représentations cognitives élaborées par les
usagers de la ville dans différents contextes d’exposition.
Nous visons donc ici construire un cadre conceptuel et
outil méthodologique d’analyse et d’aide à la décision qui
permette l’amélioration de la gestion de l’environnement
des infrastructures de transport en intégrant la perspective
des citadins dès les premières étapes de conception.
Éléments théoriques et conséquences
méthodologiques
L’étude de la perception est l’une des branches de
la psychologie. Or les représentations mentales (en
mémoire) construites à partir du rapport sensible au
monde sont par essence individuelles et inobservables.
Se pose donc la question de leur « accès ». La langue
par essence individuelle mais aussi partagée, au moins
par une communauté plus ou moins homogène, peut être
utilisée pour réaliser l’interface entre ces constructions
individuelles issues de la sensorialité (vécu, expérience) et
les représentations culturelles partagées qui s’y trouvent
exprimées. En ce sens, elle peut être considérée comme
un lien entre l’individuel et le collectif [1].
Catherine Guastavino*, Pascale Cheminée**
Laboratoire d’Acoustique Musicale
CNRS UMR 7604
Université Paris 6
11 rue de Lourmel
75015 Paris
e-mail : Catherine.Guastavino@mcgill.ca
e-mail : Pascale.cheminee@tiscali.fr
avec la collaboration de
Danièle Dubois, Jean-Dominique Polack
Laboratoire d’Acoustique Musicale
CNRS UMR 7604
Université Paris 6
11 rue de Lourmel
75015 Paris
Christine Arras, Laurent Drouin
ACOUPHEN
BP 2132
69603 Villeurbanne CEDEX
*actuellement à McGill University, GSLIS and
CIRMMT, 3459 McTavish, H3A 1Y1, Montréal,
QC, Canada
*chercheuse associée au LAM
Résumé
Les phénomènes sonores de l’environnement font sens pour les citadins,
ce qui oriente leurs réactions, et plus particulièrement la manière dont
ils décrivent ces phénomènes avec des mots et expressions. L’analyse
psycholinguistique des discours diversement suscités permet de remonter
aux représentations cognitives qu’ils ont construites dans leur expérience
de la ville. Nous présentons quelques exemples de cette analyse, appliquée
à la perception des basses fréquences et des bruits de transports. Et nous
en tirons des conclusions quant à l’acceptabilité des différents modes de
transports urbains, qui permettent d’envisager des expérimentations in situ
à l’échelle urbaine.»
Abstract
Sound phenomena are meaningful for people living in the city. This
meaning shapes their reactions, more specifically how they describe sound
phenomena with their own words and sentences. Psycholinguistic analysis
of the discourses gives access to the cognitive representations that people
have built through their experience of the city. A few examples of such an
analysis are presented, applied to the perception of low frequencies and
transportation noise. Conclusions are drawn regarding the acceptability of
the different transportation modes in the city. They suggest further in situ
experimentation at the urban level.
L’