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100 ans d’ingénierie acoustique allemande appliquée aux techniques de réduction du bruit
Approfondissons…
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Acoustique
&
Techniques n° 42-43
minutieuses, les solutions de protection acoustique
envisagées peuvent alors être étayées par une double
analyse : une analyse énergétique fondée sur la puissance
acoustique (bilan des sources et de leur contribution au
niveau de bruit global) et une analyse de la gêne fondée
sur les doléances des personnes exposées au bruit (bilan
des sources et de la part qui leur revient dans le niveau de
gêne global exprimé par les doléances). Cette démarche
était et reste d’autant plus judicieuse qu’une partie
importante des doléances se rapporte à des bruits riches
en fréquences et en impulsions et qui s’avèrent difficiles à
évaluer de manière simple et objective – un problème qui
n’a pas encore trouvé de solution satisfaisante à ce jour.
Il est intéressant de constater que les études de ce type
- avec cahier de doléances et prise en considération des
effets du bruit pour évaluer une situation de nuisance
donnée – ont retrouvé une nouvelle actualité ces
dernières années. Effectivement, ces études d’impact
peuvent contribuer dans une large mesure à l’évaluation
d’une situation, surtout lorsque les directives existantes
ne trouvent pas à s’appliquer ou que leur adéquation est
sérieusement remise en cause parce que les sources
d’émissions sont trop variées – présence de différents
modes de transport par exemple – ou que le niveau de
bruit constant est très élevé – dans le cas des aéroports.
C’est la raison pour laquelle, depuis 1980 environ, les
procédures de planification leur font une place de plus en
plus grande dans les cas de ce genre.
La recherche sur les effets du bruit a déjà permis
d’engranger un certain nombre de connaissances. On
peut corréler les données caractéristiques d’une situation
de nuisance sonore (étude physico-acoustique) avec les
acquis de cette recherche pour évaluer concrètement
les effets de la nuisance considérée sur les personnes
qui y sont exposées (étude médico-acoustique). Il existe
aujourd’hui trois modes de description des réactions
présentées par les humains et les animaux dans les
études d’impact acoustiques effectuées en laboratoire ou
in situ. Pour saisir les effets du bruit, on peut considérer
les réactions physiologiques (système végétatif) telles que
l’accélérationdupouls [35], ou les réactionspsychologiques
(agression ou troubles de la communication) [36] ou
encore les réactions psychophysiologiques [37]. Étant
donné que
« la distinction entre les aspects médicaux,
psychologiques et sociaux ne correspond pas au niveau
actuel des connaissances de la recherche moderne sur
l’impact des nuisances 
» [38], on peut prévoir que les
études d’impact du bruit se concentreront à l’avenir sur le
volet des réactions psychophysiologiques.
Pour une présentation plus détaillée des connaissances et
tendances actuelles de la recherche sur l’impact du bruit,
nous renvoyons nos lecteurs au numéro actuel de la revue
sur la lutte antibruit
Zeitschrift für Lärmbekämpfung
[39].
Autres secteurs concernés par les techniques de
protection acoustique
Nous avons malheureusement dû laisser de côté dans cet
article de nombreux développements qui auraient mérité
d’être présentés parce qu’ils ont joué un rôle primordial dans
l’évolution de la lutte contre le bruit. Il s’agit de démarches
et de méthodes ou encore d’exemples historiques qui ont
compté mais aussi de véritables secteurs ou disciplines
techniques sans lesquels les réussites que nous avons
retracées n’auraient pas été envisageables. Citons ici à
titre d’exemple :
- La protection contre les risques sonores au travail,
qui s’est appuyée sur les progrès de l’acoustique des
salles et de l’acoustique des machines pour optimiser
la conception des halls de production et des bureaux et
diminuer les nuisances sonores des postes de travail.
Elle a également préconisé des mesures de protection
acoustique secondaires et su exploiter les possibilités
techniques et les valeurs limites ou de référence en
vigueur pour contribuer à la diminution des maladies
professionnelles dues aux méfaits du bruit.
- Le développement de méthodes de mesure, qui recourt
désormais à des systèmes de calcul informatique
complexes pour évaluer le produit des mesures
multicanaux (mesures d’intensité, analyses modales,
analyses des sources avec mesures orientées ou
holographie acoustique en champ proche, mesure de
bruits de passage véritables ou simulés).
- La métrologie acoustique, qui a profité depuis 1945
de l’explosion des performances des composants
électroniques et des solutions logicielles (analyseurs FFT,
p. ex.) et a rendu possibles des mesures fondamentales
– du premier sonomètre objectif à batterie (Rohde et
Schwarz, 1949, [40]) à l’analyse à bande étroite en
passant par l’analyseur de fréquences.
- L’acoustique numérique, qui fait siens les progrès des
systèmes informatiques et qui a réalisé certains rêves
(pas tous encore !) des acousticiens (FEM, BEM et SEA).
- La réduction active du bruit, qui n’a sans doute pas
su tenir toutes les promesses formulées dans certains
moments d’euphorie mais qui n’en constitue pas moins un
instrument efficace de lutte antibruit dans de nombreux
cas particuliers.
Toutes ces disciplines et leurs intervenants ont contribué à
ramener notre environnement acoustique à
une discrétion
de bon ton
.
Conclusion
L’histoire de la lutte antibruit est si riche et les documents
qui retracent l’évolution de ses techniques si nombreux que
l’auteur a dû faire un choix dont il reconnaît la subjectivité
et les limites. Le laps de temps qui lui était imparti exigeait
de relater les aspects essentiels de la lutte antibruit et
de ses techniques en recourant à des textes et ouvrages
facilement accessibles.
Peut-être la rétrospective présentée ici aura-t-elle contribué
à effacer les distances entre la lutte antibruit actuelle et
les premières démarches dont elle est issue et à attiser
la curiosité. L’ingénierie acoustique appliquée à la lutte
antibruit mériterait en effet qu’on lui accorde une attention
plus complète et systématique et que l’on replace ses
différentes étapes dans leur contexte historique. Ce souci
d’exactitude et d’exhaustivité serait une bonne façon de
lui rendre hommage et elle ne pourrait que profiter d’un
travail critique poussé et minutieux qui lui permettrait de
mieux évaluer ses forces et ses faiblesses.