Spécial “10
e
anniversaire”
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Acoustique
&
Techniques n° 42-43
Observation et émulation du musicien
Les dernières années sont marquées par la floraison des
études de l’interaction (non-linéaire) entre le musicien et
l’instrument. Sur le plan expérimental, cela s’est traduit
par l’observation directe de l’instrumentiste ou du chanteur
en situation de jeu et par la mise au point de dispositifs
émulant le musicien.
Avant de passer aux études physiques à proprement parler,
il est important de mentionner les études perceptives
portant sur le musicien ou sur l’auditeur. D’une part, il
est évidemment crucial pour le physicien de savoir si
le phénomène auquel il s’intéresse est pertinent ou non
pour les acteurs du jeu musical, d’autre part, ces études
(nombreuses) ont un intérêt prononcé pour la mise au
point des méthodes de synthèse sonore. Pour rester dans
le cadre de cet article, l’acoustique des instruments de
musique, mentionnons la clarification des effets perceptifs
de la modulation de la tension des cordes de guitare [4],
la perception des caractéristiques du flux glottique [5]
et l’activité de longue date du laboratoire d’acoustique
musicale du KTH de Stockholm dans ce domaine [6] :
publications récentes sur la sonorité des cordes graves
du piano [7] [8], la durée acceptable des transitoires de
violon [9], la respiration des chanteurs [10].
Dans la suite des mesures pionnières sur le violon [11],
les mesures sur les instrumentistes en situation de jeu ont
permis de nous renseigner précisément sur le pincé de
la guitare [12], la raideur de l’anche de saxophone [13],
les caractéristiques du mouvement des cordes vocales
des chanteurs [14], l’impédance acoustique du conduit
vocal durant la phonation [15] appliquée au placement
des formants chez les chanteuses soprano [16] [17] le
mouvement et le contrôle des lèvres des trombonistes,
tubistes, etc. [18] [19] [20] [21]. Les caméras rapides
(~1000 images par seconde) permettent une observation
détaillée de régimes transitoires. L’attention portée au
musicien va de pair avec l’observation plus fine de ces
régimes [22], soit par des moyens traditionnels [23], soit
par des méthodes spécifiques de traitement du signal :
« constant-Q transform » [24], analyses temps-fréquence
de type Wigner-Ville, ou autres [25] [26].
L’observation du musicien
in vivo
pose cependant des
problèmes évidents pour l’expérimentation physique,
problèmes en partie résolus dans le domaine des instruments
à vent par la mise au point de bouches artificielles (voir
Figure 2) : lèvres pour les cuivres [27] [28], anches simples
de clarinette [29], anches doubles de hautbois [30], effet
de la cavité buccale [31] qui donnent au physicien des
dispositifs à la fois maîtrisables et réalistes. Une retombée
possible de ce type de dispositif est leur adaptation en banc
d’essai pour la facture instrumentale [32].
Sur le plan conceptuel, l’étude de l’excitation de
l’instrument de musique a accentué le recours aux outils
de la dynamique des systèmes non-linéaires appliqués
aux instruments de musique. Ces outils et concepts ont
permis de progresser dans la caractérisation de certains
régimes de jeu [33] [34] [35], l’analyse de leur stabilité,
l’observation de régimes mal compris jusqu’ici dans un
contexte musical [36] [37] et la modélisation des passages
entre régimes (voir plus loin).
Observation temporelle de champs physiques
complets
L’observation du champ acoustique transitoire ou
permanent autour d’un instrument de musique a été
rendue possible grâce à des techniques optiques [38].
Par ailleurs, la strioscopie a été largement utilisée par la
visualisation de l’écoulement au voisinage du biseau des
instruments à embouchure de flûte [39] [40] [41]. Plus
récemment, la vélocimétrie particulaire (PIV) a permis de
mesurer le champ de vitesse (voir Figure 3) : écoulement
à l’embouchure de la flûte [42] et effets acoustiques non-
linéaires au niveau de trous ouverts [43].
Fig. 2 : Lèvres artificielles pour cuivres d’après [27], et bouche artificielle pour clarinette, d’après [31].
Dix ans d’acoustique musicale