Spécial “Design Sonore”
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Acoustique
&
Techniques n° 41
et une grande différence de hauteur entre le tic et le tac. Ils
apprécient également les sons de clignotant qui font référence
à l’univers mécanique des horloges et des montres, c’est-à-
dire les clignotants qui sonnent comme les anciens relais
mécaniques.
Les clients de la seconde population préfèrent quant à eux les
sons lents et graves, possédant un niveau et un amortissement
faibles.
Conclusion
Alors que, pour la première population, la priorité doit être
donnée à la fonction du son (« indiquer que le clignotant est
en marche »), la seconde population apprécierait davantage
que la sonorité du clignotant participe au confort global du
véhicule ; elle attend des constructeurs qu’ils explorent les
possibilités offertes par l’électronique pour proposer de
nouvelles sonorités.
Cependant, tous s’accordent à dire que les sons actuels ne
sont pas très agréables.
Le test a ainsi permis de mettre en exergue le pouvoir
évocateur des sons : certaines personnes rapprochent
ces sons de sonorités de montres, mais aussi d’animaux
et de matériaux. Ces éléments nous ouvrent de nouvelles
perspectives d’investigation.
Design sonore
Nous avions déjà l’idée que, dans le contexte de l’habitacle
automobile, des interactions s’opèrent entre le son et les
autres sens. Les rapprochements suggérés par les sujets
pendant le test nous confirment qu’il s’agit bien d’une direction
intéressante pour le design sonore des clignotants. Nous
décidons donc de créer des sons de clignotant qui seraient
cohérents avec l’ambiance à l’intérieur de l’habitacle, et en
particulier avec les matériaux utilisés pour recouvrir les sièges,
les panneaux de porte, la planche de bord…, l’objectif fixé
étant que l’audition s’associe à la vision et au toucher. Nous
souhaitons aussi créer des sons différents, destinés aux
différents types de véhicules produits par Renault : véhicules
familiaux ou sportifs, petites citadines ou véhicules haut de
gamme, automobiles pour lesquelles une ambiance spécifique
est définie.
Méthode
Afin de créer des sons en relation directe avec la composition
des matériaux (bois, métal, plastique, tissu…) et avec le
toucher (claquement, frottement…), nous décidons de
travailler avec l’équipe Perception et Design Sonores de
l’Ircam en utilisant le logiciel de synthèse sonore Modalys,
développé par l’Ircam depuis bientôt quinze ans. Il s’agit en
effet d’un logiciel de synthèse sonore basé sur des modèles
physiques, ce qui donne accès à une vaste bibliothèque de
structures physiques élémentaires, soit mécaniques (corde,
plaque…), soit acoustiques (tube ouvert, fermé…) et à une
série d’interactions physiques (frappé, frotté, soufflé ou même
collé…).
De plus, grâce à sa propriété de modularité, il offre la
possibilité de combiner les divers modèles élémentaires
décrits ci-dessus afin de créer une structure complexe. On
peut ainsi recréer un instrument de musique, ou créer de toute
pièce une structure chimérique beaucoup plus éloignée de la
réalité. Le son produit par Modalys est la réponse vibratoire
d’un ou plusieurs points du modèle, comme si l’on plaçait un
microphone de contact à la surface de la structure considérée
(cf. [6]).
Afin de créer les sons de clignotant, l’équipe Perception
et Design Sonores de l’Ircam a exploré différents types
de structures, possédant diverses propriétés mécaniques
(densité, module d’Young du matériau, géométrie des objets,),
excitées de différentes façons, pour aboutir finalement à la
création d’une trentaine de sons. Préalablement à ce processus
de création, l’équipe a pris en compte les orientations données
par l’étude de la qualité sonore et l’analyse objective qui en a
découlé (non présentée ici), études qui ont mis en évidence
les caractéristiques nécessaires au son de clignotant pour
répondre à sa fonction d’information: la régularité (durée entre
deux tics constante), le rythme binaire (durée entre tic et
tac et entre tac et tic égale), la vitesse et le niveau global. Il
est important de souligner également que la création sonore
a été réalisée en tenant compte de la bande passante du
buzzer (globalement 1-5 kHz). D’autre part, l’intervention de
l’Ircam a permis d’aborder les directions de travail aujourd’hui
inexplorées que les études perceptives ont mises à jour ; il
s’agit en particulier du timbre, de la hauteur, de l’attaque et
de l’amortissement, et du potentiel de différentiation entre
le tic et le tac.
Conclusion
Même si un certain nombre de paramètres ne peuvent être
modifiés, un très large éventail de sons peut être créé afin
d’assurer la cohérence entre le son du clignotant et l’ambiance
souhaitée dans l’habitacle. L’approche ici adoptée, qui a
consisté à ne pas tenir compte de la technologie utilisée pour
jouer les sons dans les véhicules, nous a permis de créer des
sonorités nouvelles.
Impact technologique du design sonore
Une fois cette bibliothèque de trente sons « idéaux » constituée,
nous souhaitons réaliser l’implémentation in situ des signaux
sonores, et analyser les contraintes engendrées par cette
étape d’intégration. Examinons le cas où le clignotant est joué
par l’électronique du tableau de bord (notons, par ailleurs,
que certains constructeurs utilisent déjà le système audio de
l’autoradio pour restituer ces sons).
Méthode
Nous choisissons trois sons parmi les trente créés initialement,
de façon à disposer de sonorités très différentes :
• un son grave, et qui s’amortit lentement,
• un son aigu, et qui s’amortit rapidement,
• un son qui présente une attaque franche et un niveau global
supérieur aux deux précédents.
Nous transmettons ces sons à plusieurs fournisseurs de
tableau de bord, leur demandons de transposer les trois
sons cibles dans leur technologie et cherchons à analyser
l'importante variation des différences entre sons transposés
et sons cibles. Notre objectif, à terme, est d’être capable de
définir une méthodologie pour créer les sons électroniques
des futurs véhicules.
Interfaces Homme Machine dans l’Automobile : Impact Technologique du Design Sonore