Spécial “10
e
anniversaire”
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Acoustique
&
Techniques n° 42-43
parties couplées (corde, table, etc.) représentées par leurs
modes ou les ondes qui s’y propagent. Cette approche,
qualifiée de « by first principles » ou «
ab initio
» permet de
faire varier
ad libitum
les valeurs des paramètres de jeu
et tester à l’écoute la pertinence des modèles physiques :
modélisations fines du piano [52] et de la guitare [53]
[54]. En ce qui concerne les cordes ou les instruments à
vent, il est intéressant de tirer parti d’une approximation
mono-dimensionnelle pour aboutir à un système à retard
[55]. Cette approche est à la base de beaucoup d’études :
modélisation de la flûte à bec [56], de la trompette [57],
instruments à anche simple [58]. Des études récentes
généralisent et étendent ces formalismes [59] [60].
Études d’ensembles
Le traitement modal des instruments (analyse modale,
impédance d’entrée des tuyaux, mobilité mécanique
des structures) a été considérablement facilité au
cours des dix dernières années par l’augmentation des
capacités et des vitesses de calcul et le développement
d’une instrumentation moins onéreuse. Ces progrès ont
permis de changer l’échelle des études réalisées avec
ces moyens, passant de l’investigation de quelques
doigtés d’un instrument à vent ou de quelques spécimens
d’instrument à corde à des études d’ensemble : tessiture
complète de la flûte [61] et de la flûte baroque [62], du
saxophone (voir Figure 5), de clarinettes [63] [64] ainsi
que l’analyse modale systématique ou l’observation
modale d’un nombre respectable de violons [65 [66].
La caractérisation des résonateurs acoustiques dans le
domaine temporel permet, par la mesure de fonctions
de réflexion, d’en déduire leur perce ; cette technique de
« réflectométrie impulsionnelle » [67] [68] a été utilisée
pour estimer et comparer les perces de nombreux cuivres
de différentes époques [69].
Modélisation
Les moyens expérimentaux développés ces dernières
années ont permis des avancées significatives dans la
modélisation physique des instruments de musique. Si les
instruments à cordes ont été historiquement les premiers
appréhendés (voir par exemple les travaux des illustres
physiciens Helmholtz [70] et Raman [71]), les instruments
à vent sont aujourd’hui les
plus étudiés. Cette tendance
date sans doute des années
1970-80 (voir par exemple
[72] [73]). Par ailleurs, ces
dix dernières années voient
un net regain d’activité
autour des instruments de
percussion peu étudiés
jusqu’alors.
Instruments à vent
Lesapprochesdelaphysique
non-linéaire ont permis
des avancées importantes
dans la modélisation des
instruments à vent et à
cordes frottées dès le
début des années 80
[51],
permettant
une
meilleure compréhension
de la dynamique de ces
oscillateursauto-entretenus.
Un
parallèle
explicite
entre ces deux familles
d’instruments a été mis en
évidence plus récemment
[37] en s’appuyant sur
l’étude des oscillations dites
de Helmholtz et qui résultent
de la présence d’une non-
linéarité localisée au niveau de la source d’excitation
sonore :écoulement sous l’anche de clarinette, friction de
l’archet sur la corde.
Des phénomènes non-linéaires très spectaculaires ont
été mis en évidence dans les résonateurs acoustiques
des cuivres : les sons dits « cuivrés », obtenus aux
nuances
fortissimo,
résultent d’une forte distorsion de
l’onde acoustique dans l’instrument, conséquence d’un
phénomène de propagation non-linéaire [74] [75]. S’il
était connu [76] que des discontinuités sur le résonateur
(changement de section, extrémité ouverte de tube)
sont le siège de phénomènes non-linéaires localisés, on
a récemment mis en évidence que le décollement de
couches limites aux discontinuités entraînent des pertes
acoustiques ayant des conséquences en particulier sur la
plage de jeu [77]. Pour limiter ces pertes supplémentaires,
une solution : arrondir les angles ! La physique linéaire
appliquée aux résonateurs acoustiques n’a pas encore dit
Fig. 5 : Résonances d’un saxophone soprano Selmer Série II pour l’ensemble des doigtés.
En abscisses les doigtés en notes écrites, en ordonnées la différence (en cents)
entre la fréquence des résonances et une référence tempérée de la note réelle
émise (LA4, 440Hz). La première résonance (points en bleu) est proche de la
référence, la seconde (points en rouge) est proche de l’octave (i.e. 1200 cents),
etc. On constate l’inharmonicité des résonances du premier registre (entre Sib et
Do#), le passage du premier registre au second (rejet loin de la ligne de zéro de
la première résonance et alignement de la seconde résonance sur cette ligne).
Dix ans d’acoustique musicale